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comme par la commère d’une revue en l’honneur du compère. L’impératrice paraît, ornée de voiles et de bijoux plus magnifiques que tout le reste ; elle se pelotonne sur les coussins du trône ; défilé, baisemain, congé donné à tout le monde. La seule Antonine demeure aux pieds de sa souveraine ; elle veut qu’un ordre exprès, en dépit de ses adultères prouvés, la fasse rentrer en grâce auprès de Bélisaire. Qu’elle se retire derrière une tenture : Bélisaire, aussitôt mandé, confesse l’amour qui dure encore dans son cœur ; il pardonne ou plutôt il oublie. Là-dessus, la toile tombe : nous connaissons le décor, le mobilier, les costumes et le cérémonial de la cour.

Au cirque ! Nous sommes dans les dessous de l’amphithéâtre, où loge un dompteur ; par plusieurs arcades, nous voyons, au fond de la scène, les gradins qui s’arrondissent. Le jeune Franc reparaît ; il a, cette fois, pour cicérone un gommeux qui le présente à des cocottes ; survient un jockey, pardon ! .. un cocher en vogue ; c’est la fleur du tout-Byzance que nous voyons là. On dit : « le tout-Byzance, » chez M. Sardou, comme on dit, au Figaro : « le tout-Paris. » Explication, par ces personnages et pour le jeune Franc, des divertissemens à la mode. Tout ce monde s’en va souper, emmenant le dompteur au cabaret. Sa mère, une vieille Égyptienne, reste seule à préparer un fricot. Ce fricot, une visiteuse s’invite à le partager ; c’est Théodora, ancienne camarade de l’Égyptienne au cirque d’Alexandrie, où elle portait le nom de Zoé, qui vient incognito chercher un philtre : elle profite de l’occasion pour recommencer par avance le fameux souper du Mariage d’Olympe. Elle s’écrie : « O la bonne odeur de soupe ! .. la bonne odeur de ragoût ! » comme Pauline, apercevant Irma : « Et le bal de l’Opéra ? Et la Maison d’or ? Et le Mont-de-piété ? » Le passage est divertissant, d’ailleurs, et le dialogue ingénieux : « Tu t’es mariée, ma fille ! dit l’Égyptienne ; ton mari est-il riche, au moins ? — À son aise. — Et qu’est-ce qu’il fait ? — Un peu de tout. — Je vois ça : un tripoteur d’affaires. « N’allez pas croire pourtant que cette scène commence le drame, non plus que celle qui finit le premier acte. La réconciliation de Bélisaire et de sa femme n’a point d’importance, et ce n’est pas en gourgandine que Théodora doit se comporter par la suite, bien au contraire ! La nostalgie de la boue, fi donc ! Ce n’est pas sur le ruisseau qu’on appareille pour les étoiles ; et c’est dans les étoiles qu’aussitôt après nous allons retrouver l’héroïne. Mais nous connaissions les mœurs de la cour, nous connaissons maintenant celles de l’hippodrome et de ses coulisses ; la mise en scène des unes et des autres est habile : M. Sardou s’y est amusé.

À présent, le drame : Théodora, sous le nom de Myrta et sous la qualité de veuve, aime un jeune Grec, de passage à Byzance, fidèle aux anciens dieux, ou du moins à la philosophie de son pays, partisan des libertés publiques, ennemi juré de l’empereur. Comment