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Après force mines, qui ne laissent pas que d’être pathétiques, l’impératrice enfonce l’épingle, et Marcellus ne pousse qu’un cri. L’empereur, Bélisaire, tous les assistans se retournent : « Il m’insultait dit Théodora. — Et vous l’avez tué sans attendre ! .. — Est-ce qu’on est maîtresse de ces mouvemens-là ? »

Au cinquième tableau, comme Jaffier dans Venise sawée, comme beaucoup d’autres ailleurs, Andréas, malgré son serment, se laisse aller à nommer à Myrta ses complices. Justement, après le départ de Myrta, les complices paraissent ; ils révèlent à Andréas, comme Maffio et les autres à Gennaro, quelle est la femme qui lui parlait tout à l’heure : c’est l’impératrice, dont l’épingle a été retrouvée dans le corps de leur ami. Andréas avoue son imprudence : plus de temps à perdre pour susciter une révolte ; tous ensemble courent au cirque, où Justinien et Théodora doivent présider à l’ouverture des jeux.

Nous voici derechef au cirque ; cette fois, dans la loge impériale, De la coulisse de gauche, où le tout-Byzance est réuni, des voix s’élèvent contre l’impératrice. Le plus furieux des insulteurs, on le devine, c’est Andréas : tel Gennaro, averti qu’il porte les couleurs de Lucrèce, fait sauter, avec son poignard la première lettre du nom de Borgia. De même que Lucrèce implore de don Alphonse le châtiment de l’injure, de même Théodora. On lui amène le coupable, elle le reconnaît avec horreur ; on veut le tuer sur place, elle le réclame pour des tortures plus lentes ; il veut parler, elle le bâillonne avec son voile : encore une fois, elle l’a sauvé.

Au cri d’Andréas, l’émeute a bouillonné dans le cirque, et puis elle s’est répandue dans la ville ; Bélisaire, comme nous le savons, l’a fait refluer vers sa source et rentrer sous terre. Andréas, délivré dans la bagarre, mais blessé, a été recueilli par la vieille Égyptienne dont le fils, moins heureux, a péri. C’est l’Égyptienne elle-même qui apporte à Théodora ces nouvelles, avec le philtre promis au second tableau.

L’impératrice a l’emploi de ce philtre, et, ce n’est plus à l’empereur qu’elle le destine. Elle vient visiter Andréas dans la casemate du dompteur, dans ces communs de l’hippodrome, où elle est née : je vous le dis en confidence, elle va y mourir. Elle n’obtient du blessé, en échange de ses protestations d’amour, que de nouveaux outrages ; pour changer ses sentimens, elle verse dans sa tisane le contenu de la fiole : Andréas boit, il expire. Théodora lit sur la fiole ces deux mots écrits de la main de l’Égyptienne : « Pour Justinien ! » La mère a voulu venger son fils : le philtre était un poison. Quel deuil pour Théodora si elle devait, comme dans l’histoire, vivre encore seize ans avant de mourir, d’un cancer et d’être pleurée par son mari ! Mais M. Sardou use de son droit d’auteur dramatique pour abréger cette douleur ; dans le dernier entracte, il a ouvert les yeux de Justinien sur la conduite suspecte de sa femme, et voici venir dans la casemate, au moment où l’impératrice