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C’est à peine si, au mois de juillet, on peut lui arracher les contributions directes dont les conseils généraux ont à faire la répartition. Pour le reste, par une sorte de fantaisie d’omnipotence jalouse, elle tient à demeurer jusqu’aux derniers jours de l’année maîtresse de la loi des finances, dût l’administration générale du pays en souffrir. Et, de plus, dans son travail, dans la préparation du budget, la commission ne tend à rien moins qu’à se substituer au gouvernement, changeant tous les rôles, toutes les conditions de responsabilité, ajoutant aux dépenses, supprimant au passage des services créés par des lois, introduisant ses préoccupations de parti et de secte dans les finances. C’est ainsi que, cette année même, pour couvrir un déficit de plus de 100 millions, on n’a trouvé rien de mieux que de supprimer un certain nombre de services des cultes, d’imposer les congrégations, — jusqu’à ces braves et secourables Petites Sœurs des pauvres qui, au dire d’un conseiller municipal de Paris, ont la singulière idée de recueillir des vieillards, des malheureux qu’elles ne peuvent pas nourrir ! Il en résulte que, soit lenteur calculée, soit inexpérience, soit passion de parti, la commission ne fait plus qu’une œuvre tardive et compliquée, artificielle et incohérente, qui doit nécessairement être contestée et révisée. Si le sénat se bornait à enregistrer ces belles imaginations, il ne servirait à rien, il mériterait certes de disparaître ; s’il prétend exercer son droit, au risque d’être accusé de soulever des conflits, il lui faut du temps, et, lorsque tout cela arrive à la dernière heure de l’année, il ne reste plus, si l’on veut échapper à un vote sommaire, sans garantie pour le pays, qu’à se tirer d’affaire par un expédient qui n’est qu’un aveu d’impuissance, une sorte d’abdication parlementaire. C’est ce qui vient d’arriver ; c’est la moralité d’une situation qui est tout entière l’œuvre de la politique prétendue républicaine.

Comment sortir de là ? C’était l’essentiel avant tout. Il y avait, il est vrai, un système connu, admis jusqu’ici, ces malheureux douzièmes provisoires, que M. le président du conseil, dans un jour de fierté, a appelés durement une humiliation, — qui sont, dans tous les cas, la dernière ressource des régimes dans l’embarras. C’était le moyen le plus simple, le moins compromettant ; il était, à ce qu’il parait, trop modeste : il n’a pas suffi au gouvernement, qui s’est mis à la recherche d’une autre combinaison, qui a imaginé de demander aux chambre » le budget des recettes pour l’année entière et le vote d’une somme d’un milliard pour suffire aux dépenses des trois premiers mois. Malheureusement on n’est arrivé ainsi qu’à un expédient d’un autre genre, aussi déplorable que le mal auquel il prétend remédier. Chose étrange ! parmi les garanties qu’on est occupé à rechercher, à conquérir depuis un siècle, une des premières a toujours été que le budget des dépenses devait précéder le budget des recettes, qu’il ne devait pas y avoir de