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la population de l’empire allemand.


Soit en tout 122,389 individus masculins contre 87,724 féminins. C’est la Prusse qui fournit les plus forts contingens pour les provinces de Posen, de Westpreussen et de Poméranie, à raison de 72,772 personnes sur un total de 145,679 émigrans prussiens. Cette forte proportion de l’émigration des provinces orientales de la Prusse tient particulièrement aux conditions d’exploitation, dans une contrée éminemment agricole et de grande propriété, où les paysans possèdent peu de terre en propre, où les salaires sont faibles. Pour les centres industriels, avec salaires plus élevés, dans les provinces du Rhin, de la Saxe, de la Silésie, on compte une moindre proportion d’émigrans. En fait, même dans les provinces avec prédominance de l’élément agricole, l’excédent des naissances sur les décès dépasse encore le nombre d’habitans enlevés par l’émigration. L’émigration enlève surtout les adultes en état de produire et particulièrement les jeunes gens soumis à l’obligation militaire. Ainsi, pendant l’année 1881, il n’y a pas eu moins de 39,941 hommes âgés de 20 à 30 ans, contre 16,165 seulement de la période de 30 à 50 ans. M. Levasseur, dans sa conférence sur l’émigration contemporaine, faite à la récente exposition universelle d’Amsterdam, signale comme causes de l’émigration libre l’insuffisance des moyens d’existence dans le pays natal, la perspective d’un avenir meilleur dans un pays étranger, les conditions politiques qui rendent intolérable le séjour dans la patrie, la facilité des communications enfin et la multiplicité des relations. En Allemagne, nous l’avons dit et nous comptons le montrer avec preuves à l’appui, il n’y a pas à proprement parler insuffisance des moyens d’existence pour la population indigène. Depuis quinze ans, l’industrie et le commerce ont fait dans l’empire allemand des progrès assez considérables pour répondre aux besoins d’un accroissement numérique de ses habitans. Néanmoins la perspective d’un avenir meilleur à l’étranger détermine dans les provinces agricoles, où les salaires restent inférieurs à ceux des centres plus industrieux et où la masse du peuple n’arrive pas à acquérir des terres lui appartenant en propre, un courant d’émigration croissant par degrés avec l’augmentation de la population. L’existence de six lignes de paquebots exploitées par autant de grandes compagnies d’émigration facilite beaucoup le départ des émigrans par Hambourg et par Brème, outre l’action des sociétés étrangères de transport par la Hollande, Le Havre, Anvers et les ports anglais. Pendant certains mois de l’année, on ne voit pas moins de dix-sept à dix-huit gros navires à vapeur chargés d’émigrans sortir des seuls ports de Brome et de Hambourg, sans compter les services d’intermédiaires par l’Angleterre. Sons l’influence de la richesse créée par les premiers occupans dans les