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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



14 janvier.

Quand on veut suivre les affaires de son temps et de son pays, il y a une première résolution à prendre. Il faut se résoudre à ne pas se laisser facilement décourager et même à ne pas trop s’étonner de tout ce qui arrive, des versatilités, des contradictions, des violences et, des aveuglemens qui se mêlent à la politique. Il faut s’accoutumer ou se préparer à voir les choses et les hommes du moment sans illusion, à les juger sans faiblesse à leur passage sur la scène, en restant toujours avec la France contre les dominations éphémères qui abusent de sa patience et de sa fortune.

C’est surtout nécessaire à des heures comme celles-ci, où rien n’est à sa place, où ceux qui ont la prétention de conduire les autres ne savent pas le plus souvent eux-mêmes où ils vont ni ce qu’ils font, où tout flotte dans une indécision agitée, sans direction et sans règle. Qu’est-ce, en effet, que ce temps où nous vivons ? C’est avant tout un temps de transition universelle et troublée : transition dans les mœurs comme dans les lois, dans les idées comme, dans les intérêts, dans l’état social comme dans l’état politique ; transition qui ne date pas d’hier sans doute et qui n’est pas près de finir, mais qui se manifeste et se caractérise aujourd’hui d’une manière plus vive, plus criante par ce fait que tout se désorganise avec une rapidité croissante, que les plus simples conditions de gouvernement s’altèrent, que les idées de droit et de justice s’obscurcissent, que la civilisation française s’en va en morceaux sans que rien apparaisse pour remplacer ce qu’on détruit. Le phénomène le plus frappant à l’heure qu’il est, c’est cette accélération aveugle dans la désorganisation de toutes les forces sociales et politiques, avec la complicité de ceux qui devraient s’employer à l’arrêter ou à l’atténuer, il n’y a point à s’inquiéter,