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n’avait pas déterminé les conditions de vie de ces deux êtres, le premier avide d’oxygène, le second tué par l’oxygène libre, le premier, parasite du corps vivant, le second, l’un des agens de la décomposition des cadavres, la lumière ne se serait pas faite.

À la vérité, dans un mémoire publié en 1869, M. Davaine annonce « que la putréfaction détruit le virus charbonneux[1]. » Et le savant expérimentateur constate, après Magendie, que la putréfaction détermine une maladie connue sous le nom de septicémie. — Affirmation trop générale, car, d’une part, la putréfaction détruit les corpuscules filiformes, mais non les germes de la bactéridie, et, d’autre part, la putréfaction donne des septicémies très diverses qui pourraient conduire les observateurs à des résultats très confus.

Avant M. Pasteur, les mots putréfaction, fermentation, contagion, étaient des mots d’un sens mal défini. C’est lui qui a fait connaître la cause de chacun de ces phénomènes en l’attribuant à l’action d’une espèce vivante déterminée. C’est lui qui a séparé ces espèces microscopiques et qui a su les cultiver sans mélange, de façon à étudier sans confusion les lois de leur reproduction et de leurs fonctions physiologiques. C’est à lui enfin qu’est due la découverte de la variabilité de leur virulence, découverte qui explique l’apparition et la décroissance des épidémies, et qui a permis de chercher non pas à guérir, mais à prévenir les maladies contagieuses.

Je ne saurais répondre, monsieur le directeur, à d’autres observations de M. Jules Davaine, qui portent plutôt sur des appréciations que sur des faits. M. Jules Davaine prétend que j’ai trop restreint la part de reconnaissance due à son père : en cela, M. Pasteur serait le premier à me blâmer. En tête de son premier mémoire sur le charbon, alors que les Allemands s’attribuaient la découverte de la bactéridie charbonneuse, il a revendiqué les droits du docteur Davaine. Je suis prêt, d’ailleurs, à avouer toute la ferveur de mon zèle ; mais si M. Jules Davaine pense qu’elle m’entraîne trop loin, qu’il me permette de le lui dire, aux yeux de tout le monde il passera pour un juge encore plus partial que moi ; le reproche lui fait trop d’honneur pour que j’hésite à le lui adresser.

Veuillez agréer, monsieur le directeur, l’assurance de mes sentimens les plus distingués.


DENYS COCHIN.

  1. Notice sur les travaux scientifiques de M. Davaine, p. 107. — Comptes-rendus de l’Académie des sciences 1869 (25 janvier et 1er février.)