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du repos, et, un instant même, on a songé à lui ordonner un voyage en mer comme on l’avait fait précédemment à une époque où il avait une entrevue avec l’empereur de Russie à Copenhague. Son fils, M. Herbert Gladstone, dans une allocution familière adressée il y a quelques jours à ses fermiers, a laissé d’ailleurs entrevoir que si le vieil homme d’état n’était pas sérieusement atteint dans sa santé, il commençait à ressentir la fatigue de l’âge, qu’il ne resterait plus désormais longtemps au pouvoir, qu’il avait conquis par ses services le droit à la retraite. Même sans être gravement malade, M. Gladstone a certes conquis ce droit de se retirer des agitations du monde, de clore une grande carrière. Depuis cinquante ans, il sert son pays dans le parlement et au pouvoir. Il n’a pas été sans doute à l’abri des variations et même des erreurs de politique ; mais il s’est toujours honoré par la sincérité ardente de ses convictions, par le désintéressement d’un caractère intègre, et depuis le jour où il a refait la fortune du parti libéral par l’éclat de son éloquence dans la campagne fameuse du Midlothian, il a été l’homme le plus populaire de l’Angleterre. Il en a eu le témoignage, le jour de l’anniversaire de sa naissance, par cette profusion de félicitations, de présens, de télégrammes qu’il a reçus de toutes parts, de sa souveraine, de toutes les classes de la nation, de ses adversaires eux-mêmes et du fond de l’Afrique. Il ne serait certes pas impossible qu’après une vie si grandement remplie, après avoir illustré sa vieillesse par un dernier acte tel que la réforme électorale. M. Gladstone songeât à se retirer de la mêlée des partis. Si tel est effectivement son projet, et s’il le réalisait d’ici. à peu, sa retraite entraînerait assez vraisemblablement la chute du cabinet libéral, et les conservateurs ne tarderaient pas sans doute à reprendre le pouvoir. Si M. Gladstone reste jusqu’au bout sur la brèche, le moment ne serait peut-être pas moins décisif pour lui, et il aurait certainement à adopter une politique extérieure plus accentuée pour répondre aux exigences croissantes de l’opinion. On lui a tout passé jusqu’ici tant que la réforme électorale restait en doute ; maintenant la réforme est accomplie ou admise par tous les partis, et le gouvernement de la reine se trouve en face d’une opinion impatiente, froissée du rôle un peu diminué fait à l’Angleterre dans les démêlés du monde. Le grand grief des Anglais, en effet, c’est la manière dont leur politique a été conduite, et en Égypte, où rien n’est encore terminé, et dans toutes ces affaires de politique coloniale qui s’agitent dans la conférence de Berlin. One circonstance surtout parait leur avoir causé une surprise mêlée d’irritation, c’est l’attitude qu’a prise M. de Bismarck soit par ses conquêtes lointaines dans toutes les mers, soit par sa diplomatie au sujet de l’Égypte. Ils sont devenus d’une susceptibilité extrême, telle qu’il y a quelques jours ils se sont sentis tout à coup pris d’un mouvement d’humeur guerrière sur le simple avis qu’un