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pour écouler leurs marchandises, prirent un nouvel accroissement et enlevèrent des ouvriers à l’agriculture en leur offrant des salaires de plus en plus élevés. Cette attraction des villes a donc joué un rôle important dans la progression du bien-être général, et il n’y a qu’à s’en réjouir si elle est restée dans ses limites naturelles. Mais n’a-t-elle pas été exagérée artificiellement ? L’équilibre des forces productives n’a-t-il pas été faussé, parce que les traités de commerce, au lieu de donner à l’industrie et à l’agriculture ou la même liberté ou la même protection, ont favorisé l’une au détriment de l’autre ? Les impôts ne sont-ils pas proportionnellement plus lourds dans les campagnes que dans les villes et les services que l’état donne en échange (police, hôpitaux, secours de tous genres, etc..) ne sont-ils pas, au contraire, plus faibles dans les campagnes que dans les villes ? L’instruction elle-même, aux progrès de laquelle nous applaudissons tous, ne contribue-t-elle pas jusqu’à un certain point à cette désertion des campagnes, parce que ses programmes sont plutôt dictés par les besoins des professions libérales que par ceux de l’agriculture ? Les campagnes demandent à être traitées comme les égales des villes. N’en ont-elles pas le droit ? et n’y a-t-il rien à faire pour leur donner satisfaction ?

Du reste, les rapports entre le taux des salaires et le prix des subsistances ou l’intérêt des capitaux varient avec les divers modes de tenures des terres. Le petit propriétaire qui cultive avec sa famille quelques hectares se paie à lui-même un salaire, ou plutôt ce salaire est payé avec l’intérêt du capital foncier et du capital d’exploitation, qu’il est difficile d’en distinguer, par les consommations de la famille et la vente des produits qu’elle peut conduire au marché. Par conséquent, le taux du salaire s’élève ou s’abaisse avec le prix de vente de ces produits.

Le métayer est, en quelque sorte, l’associé de son propriétaire. Le premier fournit le travail, le second la terre et le cheptel, et les récoltes sont partagées. La part de chacun grandit ou diminue également avec la valeur de ces récoltes, mais il faut remarquer que la rémunération du propriétaire est relativement moins forte que celle du métayer, à mesure que le prix des terres s’élève et que le capital d’exploitation devient plus considérable.

Dans le fermage à prix d’argent, les trois facteurs nécessaires à la production agricole sont représentés par trois personnes différentes : le propriétaire, le fermier ou entrepreneur, et l’ouvrier ou domestique. Ils sont nettement séparés. La rémunération du capital foncier peut augmenter, tandis que celle du capital d’exploitation décroît. C’est ce qui est arrivé dans nos pays à grandes fermes : la Brie, la Beauce, le pays de Caux, la Picardie, l’Artois, etc. C’est ce