Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/554

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

agricole de la Grande-Bretagne n’aurait baissé, de 1877 à 1882, que de 7 pour 100. Mais il y a lieu de faire, pour cette évaluation, la même remarque que pour celle des contrôleurs des contributions directes en France. Elle est assise sur des baux conclus dix années ou plus auparavant, elle ne peut donc pas constater toute l’étendue de la diminution que subissent les nouveaux baux ; l’Économiste anglais l’estime au moins à 10 pour 100. Dans tous les cas, comme les herbages occupent la moitié du territoire, il faut doubler ces chiffres et dire 20 pour 100 de réduction moyenne du revenu des terres arables. Pour certains sols froids et argileux, elle atteint 40 à 50 pour 100 ; pour d’autres, et surtout pour ceux qui sont restés en bon état de culture, elle ne dépasse pas 10 pour 100.

On pourrait essayer de calculer l’action exercée par la concurrence des blés américains en comparant le prix moyen des années 1873, 1875, 1876, 1877 et 1870, avec celui des années 1853, 1855, 1859, 1860 et 1861, où l’Angleterre a eu des récoltes également faibles, mais où elle n’avait de ressources, pour combler ses déficits, que les blés de la Baltique et de la Mer-Noire, et quelquefois les nôtres. Pendant la dernière série, le prix moyen ne s’est pas élevé au-dessus de 21 fr. 30 ; pendant la précédente, il avait été de 26 fr. 30. Par conséquent, on peut estimer à 5 francs par hectolitre la dépression que les blés américains produisent sur les marchés anglais.

Si l’on fait le même calcul pour les années correspondantes en France, on trouve une différence de 3 francs environ. Avant 1861, le prix moyen était de 1 franc moins élevé en France qu’en Angleterre ; après 1873, il s’est maintenu, au contraire, à près de 1 franc au-dessus de celui des marchés anglais. Or, notre prix moyen ayant été depuis une vingtaine d’années 21 à 22 francs l’hectolitre, nous pouvons espérer que, pour la période de 1881 à 1890, la moyenne générale ne sera pas au-dessous de 18 à 19 francs l’hectolitre, ou 23 à 24 francs les 100 kilogrammes.

Quant au blé indien, sa concurrence n’est pas aussi redoutable que celle du blé américain. Avec une population plus dense que la nôtre et qui se multiplie très rapidement, avec un climat où les alternatives de sécheresse et d’inondation sont beaucoup plus prononcées qu’en Europe, les Indes orientales étaient, il y a vingt ans, et sont encore dans quelques provinces plus dénuées de voies de transport que nous ne l’étions il y a deux siècles. Tandis que le blé n’avait aucune valeur sur certains points, la famine régnait ailleurs et souvent la mortalité était effrayante. A la suite de la famine d’Orissa, une des plus meurtrières qu’il y ait eu depuis trente ans, le gouvernement anglais fit faire une enquête par des commissaires spéciaux (famine commissioners), qui proposèrent,