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comme moyen de prévenir le retour de ces désastres, la création de chemins de fer et de canaux d’irrigations ; et un fonds, que l’on appelle également fonds de famine, leur fut affecté. Les Indes anglaises ont maintenant 16,000 kilomètres de chemins de fer. En 1873, elles ont commencé à exporter environ 1/2 million de quintaux de blé ; en 1879, par suite de la hausse qu’il y avait sur nos marchés, cette exportation a pris de plus grandes proportions et il en est entré un peu dans les ports français ; en 1881-82, nous en avons reçu 2,500,000 quintaux et en 1882-83, 1,700,000 quintaux. L’Angleterre en a importé quatre à cinq fois plus que nous. Mais les prix actuels arrêteront l’accroissement de cette concurrence. Sir James Caird, membre du parlement, qui a été l’un des famine-commissioners d’Orissa et qui connaît parfaitement bien les Indes, ne pense pas que le blé indien puisse jamais nous arriver régulièrement en quantités assez considérables et à un prix inférieur à celui du blé américain. Et, en effet, il est difficile de croire qu’une population de 250 millions d’âmes, à peine sauvée des horreurs de la famine, puisse en quelque sorte s’enlever le pain de la bouche pour nous le vendre ! Les pauvres ryots n’en mangent guère, il est vrai ; ils se contentent de millet et de riz, parce qu’ils ne gagnent que 0 fr. 12 à 0 fr. 15 par jour. Mais tous les Indous qui ont un peu d’aisance consomment du blé et, pour l’honneur de la métropole, il faut espérer que la misère diminuera au milieu de cette fourmilière humaine et qu’elle aura bientôt sa part des récoltes qu’elle produit !

Mais, en attendant que ces prévisions consolantes se réalisent, le blé est à 15 francs, et, dans le Nord de la France comme en Angleterre, nous sommes en face de terres sans fermiers ou de fermiers sans capitaux.

L’agriculture anglaise ne produit que des céréales et du bétail ; ses seuls produits accessoires sont le houblon dans les comtés du Sud-Est et le lin dans quelques districts de l’Irlande. En France, nous avons, outre le blé et les fourrages, une variété infinie de cultures ; les unes sont prospères et ne demandent qu’à se développer ; d’autres, au contraire, ont donné pendant longtemps de grands bénéfices et contribué à augmenter les fermages et le prix des terres dans les pays qui les avaient adoptées les premiers, mais aujourd’hui elles déclinent ou laissent moins de profit qu’autrefois. Par exemple, le lin ne se vend plus que la moitié de ce qu’il valait jadis ; le coton le remplace dans certains usages, et les filatures qui subsistent achètent leurs matières premières en Russie. Sa culture disparaît en Normandie et en Picardie et elle diminue dans la Flandre. Le chanvre russe fait également concurrence à celui du Val de la Loire, et le jute diminue la valeur des déchets