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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/562

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Canada ou se faire ouvriers dans les villes industrielles. Puis est venu l’exode des Irlandais, qui ont pris le même chemin. Aujourd’hui ce sont les fermiers de l’Angleterre qui vont faire du blé en Amérique ou de la laine en Australie. Les latifundia de l’Angleterre nous rappellent ceux de l’ancienne Borne. On y élevait aussi du bétail, et le blé venait de Sicile ou d’Egypte. « La vie de Rome se trouvait désormais à la merci des flots et des vents, u dit Tacite. Les bateaux à vapeur qui amènent à l’Angleterre les blés de l’Amérique, de la Russie et des Indes ne craignent ni les flots, ni les vents, et son approvisionnement est assuré. Mais Rome n’aurait-elle pas mieux fait de conserver cette robuste population de soldats laboureurs qui avaient fondé sa puissance ?

En France, la question des droits protecteurs est au premier rang dans les préoccupations du public et les discussions de la presse. Un grand nombre de cultivateurs sont persuadés, comme les honorables conseillers généraux de l’Aisne, que l’agriculture française pourrait se relever de ses désastres, ce sont leurs propres termes, si l’on frappait les matières non comprises dans les traités de commerce de droits suffisamment élevés ; et ils proposent 5 francs par quintal pour le blé, 3 francs pour le seigle et l’avoine, 7 francs par tête pour les moutons, 60 francs pour les bœufs, 40 francs pour les vaches. Le gouvernement est mis en demeure de proposer, et le parlement de voter ces droits, et, s’ils ne le font pas, si la crise où se trouve l’agriculture de certains départemens continue, on dira et l’on croira réellement que nos ministres et nos députés n’ont pas voulu employer le seul, le véritable remède qui aurait pu la faire cesser. La situation est grave à tous les points de vue et digne d’être étudiée de la façon la plus sérieuse.

Et d’abord, est-on bien sûr qu’un droit d’entrée de 5 francs par quintal métrique sur les blés étrangers fera hausser de 5 francs le prix moyen sur les marchés français ? Évidemment, si nous ne mangions en France que du pain fait avec du blé étranger, un droit de 5 francs par quintal ferait hausser le prix moyen de 5 francs, ou du moins de 4 francs, différence entre 5 francs et la taxe de 1 franc qui est actuellement perçue sur le blé qui entre par navire étranger. Mais si, au contraire, nous nous suffisions à nous-mêmes, et si nous n’importions pas du tout de blé, ce droit d’entrée n’aurait aucune influence sur nos prix ; il est à peine besoin de le dire. Si je pouvais tracer les proportions relatives des importations étrangères à notre consommation par dixièmes, depuis 10/10es, 9/10es, 8/10es jusqu’à 2/10es, 1/10e et 0, sur une ligne horizontale, et les augmentations de prix que ces importations produisent, 5, 4, 3, 2, 1 et 0 francs, sur une ligne verticale, les deux points extrêmes seraient 5 francs pour une importation de 10/10es, c’est-à-dire de