Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 67.djvu/60

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’autre bord d’un ravin, à 3 kilomètres environ de la ville, la route apparut barrée par une longue ligne de cavaliers et de fantassins, irrégulièrement distribués sur un front de plus de 2,000 mètres depuis la montagne où s’appuyait leur droite jusqu’au grand mur blanc qui marquait l’emplacement projeté de la Nouvelle-Blida. Il était deux heures ; l’avant-garde fit halte ; le général en chef fut prévenu. Aussitôt on vit Jusuf, le mamelouk, partir de toute la vitesse de son cheval, seul, parlementer avec les Arabes, en ramener quelques-uns. Quand ceux-ci eurent rapporté aux autres que le général des Français voulait entrera Blida, il y eut une grande clameur. Jusuf, qui n’avait pas voulu quitter les parlementaires, fut injurié, traité de renégat, couché en joue ; avec un sang-froid imperturbable, il obtint que deux des grands chefs vinssent conférer encore avec le général. On ne put pas s’entendre davantage ; l’un des deux Arabes, droit sur les étriers, brandissant au-dessus de sa tête son long fusil, s’écria que les vrais croyans ne se soumettraient jamais aux infidèles et que l’heure était venue de faire parler la poudre. A peine se furent-ils éloignés que, du côté des Arabes, deux coups de fusil retentirent.

Précédés par une ligne de tirailleurs, les quatre bataillons de la brigade Achard, ployés en colonne serrée, l’artillerie en batterie, la cavalerie sur les flancs, occupaient la crête du ravin ; la fusillade s’engagea. Bientôt la brigade Duzer vint se former à leur gauche ; le ravin fut franchi, l’ennemi culbuté, poussé, poursuivi à travers les broussailles jusqu’au milieu des vergers clos de murs et de haies qui entouraient la ville. Là, sur un terrain favorable à la défense, la résistance fut vive ; mais tandis que le 28e, soutenu par la brigade Duzer, pénétrait dans le cimetière en avant de la porte d’Alger, le général Achard, avec ses autres bataillons, contournait la ville et s’attaquait à la porte de Médéa. Impatient du retard, le lieutenant d’Hugues, du 37e, escalada le mur, quelques voltigeurs de sa compagnie sautèrent après lui, la porte fut ouverte et les défenseurs de la ville s’enfuirent dans la montagne. A la chute du jour, le général Clauzel fit sortir les troupes, à l’exception des postes laissés à la garde des portes, et les fit bivouaquer, la brigade Achard en avant de Blida, les deux autres en arrière. De sa personne, il s’établit dans la grande maison près du cimetière, qui avait été occupée naguère par M. de Bourmont. La nuit fut pluvieuse. Le lendemain 19, dès l’aube, des groupes d’Arabes et de Kabyles, embusqués à petite distance sur les pentes boisées de l’Atlas, commencèrent à tirailler ; leur feu rendait particulièrement dangereux l’accès d’une fontaine, qui était, de ce côté, la seule où les chevaux pussent s’abreuver. En même temps, Blida était mise