Mme Brissot ; mais Mme Brissot est une vieille femme, et Mme de Thauzette une femme encore jeune. Mme Brissot est accablée, déformée par le poids de la vie ; Mme de Thauzette se tient droite et moulée dans un corset pareil à celui de sa vingtième année : le lacet seulement est plus long. Mme Brissot a les cheveux blancs ; Mme de Thauzette les aura peut-être poudrés un jour ; en attendant, elle les garde blonds. Tandis que le roturier Brissot demeurait humble et pauvre, son camarade Thauzette, désigné par sa particule pour figurer un jour dans ces almanachs du high-life qui sont le Gotha des badauds, son camarade Thauzette, mari de « la belle Zézette, » comme on disait dans le monde, s’est poussé par des degrés suspects jusqu’aux sommets lumineux de la finance. Trois ans avant sa mort, il était agent de change ; trois ans après, voici sa veuve et son fils réduits à l’expédient d’une alliance fructueuse : Mme de Thauzette propose à André de marier Marthe à Fernand.
Mme de Thauzette a bien des prises sur André. Elle l’a ébloui naguère, au parloir du collège, où l’extase de ce gamin la faisait rire. Il l’a aimée, un peu après, et, non sans émotion, elle l’a déniaisé. Elle se rappelle ce petit roman, parmi d’autres moins originaux, avec plaisir. Elle a poursuivi, après ce relais, ses gais voyages : elle a laissé André voler à d’autres fêtes. Pourtant elle est restée son amie. Elle a pris l’habitude d’aller voir sa sœur au couvent ; et comme la vie d’André n’était pas celle d’un saint, comme il était distrait par d’autres soucis, il n’a pu trouver mauvais que cette visiteuse allât désennuyer l’orpheline. Chaque âge a ses accommodemens : voici que Mme de Thauzette, à présent, a un fils bon à marier ; l’amour maternel est sa vertu nouvelle, d’autant plus solide qu’elle se fortifie des mêmes coquetteries qu’autrefois son vice : il est si beau, son Fernand ! Il formerait avec Marthe un ménage dont elle raffolerait ; elle-même serait une belle-mère, et bientôt une grand’mère charmante. Une grand’mère ! C’est que déjà elle pense à la retraite : qu’André se marie à son tour, elle veillera sur ses enfans comme sur ceux de Marthe, avec une sollicitude où restera, comme un tison sous la cendre, un peu de l’ancienne tendresse. Ah ! femme trois fois femme et rien que femme, retombée à l’état de nature, réduite à l’unité d’instinct, et telle que, depuis l’invention de la morale, une société en décomposition peut seule en offrir ! Avec une sécurité parfaite, avec l’innocence d’une sauvage, Mme de Thauzette propose à André les avantages de cette promiscuité si douce ; et André ne se récrie pas, il est trop civilisé pour cela. Mais le caractère de Fernand ne lui présente pas de garanties, bien au contraire. Certaine histoire de jeu l’a fait voir naguère sous un vilain jour : Fernand à jeun a été trop heureux contre un adversaire ivre. Un duel s’en est suivi, où André lui a servi de témoin, mais pourquoi ? Par amitié, par gratitude pour sa mère. De là jusqu’à lui donner