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Comment se dénouera-t-elle, cette question égyptienne, qui, entre toutes les autres, a cela de particulier qu’elle touche à l’état de l’Orient, à des problèmes d’équilibre général, à des intérêts très multiples, politiques ou financiers, et qu’elle n’appartient pas, par conséquent à l’Angleterre seule ? Le gouvernement anglais, avec plus de netteté et plus d’esprit de suite, aurait pu sans doute hâter la solution des difficultés lentement accumulées sur le Nil. Il ne l’a pas fait, embarrassé qu’il était peut-être par des affaires intérieures qui ont détourné son attention, et aujourd’hui il en est encore à savoir dans quelle mesure il donnera satisfaction aux intérêts européens, dont il est bien obligé de tenir compte, comment aussi il se tirera de cette campagne du Soudan, où il s’est engagé pour sauvegarder la sécurité de l’Egypte menacée parle mahdi. C’est le double aspect sous lequel se présente toujours cette affaire égyptienne. Tout est là. Diplomatiquement rien n’est décidé. Après l’échec de la conférence de Londres, le gouvernement de la reine Victoria a pris son temps pour préparer les propositions qu’il voulait soumettre aux cabinets du continent et qui étaient naturellement conçues dans l’intérêt britannique. Les cabinets à leur tour ne se sont point bâtés ; ils ont tenu à s’entendre, à se concerter, et ce n’est qu’il y a quelques jours seulement que la France s’est trouvée en lin de compte chargée de répondre aux propositions anglaises par des propositions nouvelles, convenues entre toutes les puissances, sauf l’Italie, qui, sans se séparer au fond de l’Europe, a tenu à garder une position particulière. L’Allemagne, l’Autriche, la Russie, ont appuyé la communication française par des notes à peu près analogues sinon identiques. Tout s’est passé d’ailleurs aussi courtoisement, aussi cordialement que possible, sans aucune affectation, sans aucune apparence de démonstration de nature à blesser les susceptibilités britanniques. Entre les propositions anglaises et les contre-propositions des puissances, cependant, il y a et il ne pouvait manquer d’y avoir des différences sensibles. Les cabinets du continent qui ont des intérêts et des droits sur le Nil réclament par-dessus tout une enquête internationale sur cette situation financière de l’Egypte à laquelle on leur demande de remédier. Provisoirement, pour suffire aux embarras trop évidens du trésor égyptien, ils suggèrent des expédiens qui ne sont pas les expédions anglais ; à une réduction des intérêts assurés jusqu’ici aux créanciers ils préfèrent un impôt temporaire qui engagerait moins la question ; à un emprunt garanti par l’Angleterre et insuffisant ils substituent un emprunt plus considérable, placé sous la garantie de l’Europe, impliquant par cela même le maintien de la surveillance européenne. Ils laissent entrevoir enfin la nécessité de consacrer par une convention nouvelle la liberté et la neutralisation de l’isthme de Suez. En un mot, aux propositions restreintes et trop britanniques de l’Angleterre, on répond