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décidée, et c’est pour cela évidemment que M. le général Lewal a été appelé au ministère de la guerre à la place de M. le général Campenon ; seulement c’est là toujours la question : Que va-t-on faire réellement ? Le nouveau ministre de la guerre, qui malgré une première apparition au Palais-Bourbon, a encore à établir ses relations avec la chambre, est peut-être lui-même assez embarrassé. Il l’a dit nettement : « Il faut terminer l’œuvre commencée. Nous sommes dans cette alternative : la retraite ou l’action ? Vous ne voulez pas la retraite, c’est donc l’action : nous vous obéirons ! » Tout est là en effet. C’est à M. le général Lewal de prendre assez d’autorité pour dénouer victorieusement cette éternelle affaire du Tnukin, aussi bien que pour défendre les intérêts de l’armée contre les projets de désorganisation qui ne cessent de s’agiter au Palais-Bourbon.

C’est donc un fait de plus en plus sensible et assez nouveau dans la politique européenne : les questions qui occupent et émeuvent même tous les cabinets, toutes les diplomaties, ne sont plus dans le vieux monde occidental, sur le Rhin ou sur le Danube, sur l’Escaut ou sur la Moselle ; elles sont un peu partout dans l’univers connu et inconnu, au Tonkin et à Formose, en Égypte et au fond du Soudan, dans la Mer-Rouge, sur les bords du Niger, à Madagascar et aux îles Fidji : c’est la passion régnante ! Tous les gouvernemens ont quelque part une injure à venger, une position nouvelle à conquérir pour protéger leurs nationaux, ouvrir des débouchés à leur commerce et civiliser des régions inexplorées. Ces jours derniers encore, le ministre des affaires étrangères de Rome, M. Mancini, interpellé sur l’envoi de quelques forces italiennes à Assab et peut-être à Massaoua, dans la Mer-Rouge, répondait que l’Italie ne pouvait « rester seule indifférente à ces sortes de croisades où se lancent toutes les puissances, » qu’elle ne devait pas « refuser son tribut à la civilisation. » L’Italie a cru le moment venu de se mettre en chemin à l’exemple de l’Angleterre, de l’Allemagne et de la France, d’avoir, elle aussi, sa politique coloniale. M. Mancini a pu d’ailleurs assurer avec raison qu’il n’y avait aucun péril à profiter de l’occasion en respectant les droits acquis par d’autres, et il a mis même une certaine poésie caressante dans son langage en comparant particulièrement l’Angleterre à u une riche matrone couverte de joyaux et qui ne peut pas trouver mauvais qu’il y eu ait quelques-uns sur le sein e sa jeune amie, l’Italie. » C’est donc plus que jamais entendu, tout le monde est à l’œuvre de la colonisation et de la civilisation. Après cela, il est bien clair que, dans ce mouvement universel, tout n’a pas la même importance, que parmi toutes ces questions qui s’agitent entre les cabinets, une des premières reste encore cette affaire « l’Égypte, que la conférence de Londres a laissée indécise, que l’Angleterre n’a pu jusqu’ici réussir à régler ni par les armes, ni par la diplomatie, ni par sa campagne du Soudan, ni par ses négociations avec l’Europe.