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l’instruction publique ; mais, les minorités religieuses d’Ontario et de Québec ayant insisté pour obtenir des conditions qui les rendissent indépendantes des majorités, l’acte d’union stipula que rien dans les lois provinciales « ne devrait préjudicier à aucun droit ou privilège conféré à aucune classe de personnes relativement aux écoles confessionnelles. » La seule atteinte à la liberté d’enseignement au Canada consiste en ce que chaque père de famille doit payer une contribution annuelle affectée au soutien des écoles primaires de son canton pour ceux de ses enfans âgés de sept à quatorze ans, qu’ils les fréquentent ou non. Tandis que les législatures d’Ontario et de Québec rivalisent de libéralisme envers leurs minorités confessionnelles, la majorité anglo-protestante du Nouveau-Brunswick, en haine de l’élément français, qui grandissait à vue d’œil, avait cru pouvoir proscrire l’enseignement religieux : de là une irritation très vive qui se traduisit par des refus de payer les cotisations scolaires, par des emprisonnemens et des émeutes ; le sang coula, un shérif, deux miliciens furent tués en 1874. La presse américaine tonna contre les malheureux Acadiens, fanatisés par leurs prêtres, disait-elle ; elle publia des caricatures où le pape, les jésuites massacraient les missionnaires du progrès. Après dix-huit mois d’enquête, le procès se termina par l’acquittement en masse des accusés (il avait fallu choisir les jurés dans une population presque tout entière catholique). Le Nouveau-Brunswick a fini par se rendre aux vœux du parlement fédéral, il a reconnu la liberté d’enseignement, et, sous le nom poétique d’académie acadienne, le clergé français a fondé dans le comté de Gloucester un collège où l’on enseigne le latin, le grec, toutes les études classiques. Parmi les traits particuliers au système scolaire du Nouveau-Brunswick, il faut signaler le boarding-room, c’est-à-dire l’usage d’accorder à l’instituteur, comme partie de son traitement, le privilège d’être hébergé à tour de rôle par les principales familles de l’endroit. Cette pratique fait l’objet de discussions tort vives dans les conférences d’instituteurs aux États-Unis, au Canada, et ne parait pas devoir se perpétuer.

Depuis 1853 surtout, l’instruction publique a fait de grands progrès dans le Dominion : ce peuple, qui, sous le patronage de la couronne d’Angleterre, a réalisé cette conception idéale d’une république conservatrice et chrétienne, estime que les chemins de fer, les canaux, les écoles sont le luxe d’une jeune démocratie, et il n’hésite pas à s’imposer de lourds sacrifices lorsqu’il s’agit de ses enfans. Dans la seule province de Québec, le gouvernement, pendant l’année 1882-1883, a dépensé 352,677 piastres pour les établissemens scolaires, tandis que les contributions générales payées directement par les habitans s’élevaient à 2,809,739 piastres ; sur une population catholique et protestante de 1,359,027 habitans, la