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mûrier, et plus spécialement la vigne, peuvent prospérer en conservant un feuillage touffu dont le vert intense tranche sur la terre aride des champs voisins, chaumes et luzernes, qui ne présentent aucune apparence de végétation pendant les mois chauds.

La vigne surtout avait d’autant moins à souffrir de la sécheresse que, étendant en tous sens ses pampres flexibles, elle couvrait bientôt la terre d’un épais manteau de verdure qui, autant que le binage, contribuait à arrêter la dessiccation du sol. La végétation se continuait ainsi, sans arrêt trop sensible, jusqu’à l’approche de l’équinoxe d’automne, époque à laquelle, la cheminée d’appel des tropiques passant avec le soleil dans l’hémisphère austral, le vent desséchant du nord fait momentanément place à une série de vents de sud et sud-est qui amènent avec eux des pluies et plus encore un air saturé d’humidité, dont le retour périodique faisait à vue d’œil grossir le raisin au moment de sa maturation.

Nulles conditions de climat et de culture ne sauraient être plus favorables à la vigne que cette succession de sécheresse et d’humidité, arrivant à point nommé pour lui permettre de végéter vigoureusement en été, avec le minimum d’eau possible, sans aucune déperdition de chaleur, au sein d’une atmosphère sèche et chaude, tout en lui restituant en automne le surcroît d’humidité atmosphérique nécessaire pour donner aux fruits leur entier développement. Ainsi s’élaboraient, sans trop de frais de culture, ces prodigieuses récoltes qui, dans les bonnes terres de plaines, un sol profond, rapportaient dans l’Hérault et rapportent encore, en certains points de la vallée de l’Aude, jusqu’à 3 et 400 hectolitres de vin, de qualité médiocre sans doute, qui par lui-même n’avait pas grand renom, mais n’en jouait pas moins un rôle des plus importans dans notre consommation nationale.

La culture de la vigne, se développant à mesure que les chemins de fer Augmentaient l’aire de ses débouchés, s’était peu à peu répandue sur la presque totalité de l’Hérault et des départemens voisins du Gard et de l’Aude, quand est survenue l’invasion du phylloxéra, qui a été d’autant plus prompte et plus désastreuse que les conditions particulières du climat se sont trouvées être aussi favorables au développement de l’insecte qu’elles l’étaient à celui du végétal. Autant, en effet, les progrès du phylloxéra paraissent lents, et son action relativement peu énergique dans les régions tempérées du Nord et du Centre, autant cette action a été rapide et implacable sous le climat sec et chaud du Bas-Languedoc Dans le département de l’Hérault, sans distinction de soi et d’exposition (sauf les sables du littoral, dont l’immunité constitue une exception encore mal expliquée) nous avons vu les vignes les plus vigoureuses, détruites et desséchées parfois en moins d’une année ; tandis