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une vive satisfaction qu’une œuvre de cette importance fût exécutée avec tout le soin qu’elle mérite. »

L’opinion s’émut en Belgique, et après elle les pouvoirs publics. C’est au moment de se le voir ravi qu’on sentit l’honneur que faisait au pays le monument des Acta sanctorum. On décida bientôt qu’il serait continué là où il était né et avait grandi, et par les mêmes mains. Nul sans doute ne se défiait de la science et de la conscience laïques. On savait bien aussi que l’histoire religieuse est un terrain ouvert à tous les hommes de bonne foi et de bonne volonté et que, dans le champ des recherches d’érudition, il n’y a ni coin réservé ni fruit défendu. Mais à plusieurs il paraissait que, pour que l’œuvre gardât son caractère et son unité, il fallait qu’elle fût continuée selon le plan, la méthode et l’esprit qui y avaient présidé jusqu’alors ; que l’ensemble des qualités nécessaires pour atteindre ce but serait presque impossible à trouver chez de purs savans ; que l’esprit de discipline et le respect des traditions seraient pour ceux-ci d’insupportables chaînes, et la tentation presque irrésistible de rompre avec un passé qui ne les liait d’aucune manière et de chercher l’originalité dans de nouvelles voies. Au contraire, les théologiens et les érudits de la compagnie de Jésus tiendraient à honneur de suivre les traces de leurs aînés. Ils garderaient aisément le même esprit, tout en conservant une sage liberté. Ils se contrôleraient les uns les autres, selon le vieil usage, sans répugnances ni révoltes de vanité personnelle. Ils sauraient qu’ils ont à subir le contrôle de l’église, laquelle, en ces matières si souvent incertaines, laisse à chacun une suffisante indépendance, et celui de la science séculière. La personnalité de chaque auteur ne serait pas effacée, l’Ama nesciri n’étant imposé à personne ; et, les articles étant signés, l’amour-propre, qui a sa place partout et chez ceux mêmes qui font profession d’humilité, viendrait encore soutenir un zèle qui risque de s’engourdir ou de s’éteindre dans l’obscurité des besognes anonymes.

De telles raisons, ce semble, n’étaient pas fort mauvaises. Au commencement de l’année 1837, la compagnie de Jésus, non sans avoir hésité quelque temps, accepta la proposition de poursuivre la composition des Actes des saints. Le gouvernement belge accorda un subside annuel et toutes les facilités qu’on demanda, et, en mars 1838, le collège Bollandien, constitué à Bruxelles, et composé de MM. Boone, Van der Moère, Coppens et Van Hecke, fit paraître un écrit pour annoncer au public qu’ils reprenaient l’œuvre interrompue depuis quarante-deux ans, protester de leur bon vouloir, intéresser à leurs travaux les amis de l’église et ceux des sciences historiques et solliciter en tout pays la communication ou