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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



28 février.

Si tout n’était sérieux quand la France est en jeu, si l’on pouvait oublier un instant le pays compromis pour ne voir que les petites passions, les intrigues, les inconséquences des hommes et des partis, tout ce qui se passe aujourd’hui suffirait peut-être à amuser une certaine curiosité et pourrait être pris pour un imbroglio qui manquerait d’ailleurs assez souvent d’esprit. Tout marche si étrangement, les questions sont si bizarrement engagées et enchevêtrées qu’on ne distingue pas bien le secret de cette comédie trop prolongée, où les acteurs finissent par se perdre eux-mêmes dans leurs propres combinaisons.

On voit bien des calculs équivoques, des intentions assez vulgaires, des manèges d’une habileté douteuse ; on ne voit pas un système de gouvernement, une idée sérieuse, et nos politiques, même ceux qui ont la prétention de tout conduire, seraient bien embarrassés de dire où ils vont, comment ils dénoueront toutes ces affaires extérieures ou intérieures qui se pressent devant eux depuis que les chambres sont rentrées. Ils ne savent sûrement pas comment ils en finiront avec cette expédition du Tonkin, devenue la guerre avec la Chine, et, s’ils se hâtent de triompher des succès de nos soldats, de la récente prise de Lang-son, ils ne semblent pas mieux fixés aujourd’hui qu’hier sur les suites d’une entreprise qui n’a cessé de s’étendre et de s’aggraver parce qu’elle n’a jamais été dirigée. Ils vivent au jour le jour, suffisant par de petits moyens, par des expédiens, aux nécessités les plus incommodes du moment, se laissant aller avec une sorte de naïveté bizarre à leurs passions de parti et ajoutant, selon la circonstance, une scène de plus à leur imbroglio. Ils jouent un peu avec tout, avec le budget qui n’est pas encore voté, avec le scrutin de liste qu’ils se promettent