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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/315

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par elles-mêmes irréprochables et que, sur ces questions délicates de l’intervention de l’état dans les transactions commerciales ou des rapports de patrons à ouvriers, il faille y voir l’expression exacte de la vérité et le dernier mot de la sagesse ? Il y aurait bien quelques réserves à faire sur ce point. Comme toutes les maximes concises dont les termes étroits ont la prétention de résoudre un problème complexe, elles tranchent un peu sommairement la question, et, si on les érigeait en règles de conduite absolue, elles conduiraient à des conséquences assez choquantes. Pour juger de la première de ces maximes, il est cependant équitable de se reporter au temps où elle a été mise en circulation par Gournay. C’était le temps du travail réglementé et des douanes intérieures. Par opposition au système qui faisait dépendre le salut public du maintien de ces barrières artificielles, la maxime était d’une incontestable vérité ; son application dans la pratique fut un progrès. Mais, comme règle permanente en matière législative, que d’objections ne soulèverait-elle pas ! Je ne parle pas seulement au point de vue de ces questions si justement controversées de la protection et du libre échange, où il est impossible de ne pas faire un peu d’opportunisme, mais du principe même de non-intervention de l’état en matière commerciale et industrielle. S’il fallait prendre, en effet, la maxime au pied de la lettre, s’il fallait tout laisser faire et tout laisser passer, de combien de désordres et d’injustices l’état ne deviendrait-il pas le témoin impassible et silencieux ? Qu’en pareille matière la liberté doive être la règle et la réglementation l’exception, cela n’est pas douteux. Que l’immixtion de l’état dans ces matières délicates doive être mesurée, prudente, et qu’à vouloir trop bien arranger les choses, il risqué souvent de les gâter, cela est non moins certain. Mais qu’il ne doive se mêler de rien, personne, que je sache, n’est assez économiste pour le soutenir, et j’en donnerai tout de suite un exemple. Qui s’est jamais élevé contre la loi sur le travail des enfans dans les manufactures ? Il est cependant manifestement contraire à la liberté de m’empêcher, moi père, de louer avant un certain âge ou au-delà d’un certain nombre d’heures par jour les services de mon enfant ; moi, patron, d’employer comme bon me semble les services de l’enfant qui est mis à ma disposition. Cependant l’état intervient ici au nom d’un principe supérieur, qui est la protection du faible, et personne ne songe à lui en faire un reproche. Dans certains pays, en Suisse, en Angleterre même, cette protection s’étend jusqu’à la femme. Et cependant nulle part les doctrines de l’économie libérale, pour parler comme l’école historique, n’ont exercé plus d’influence que dans la patrie d’Adam Smith. Nous ne nous trouvons donc point en présence d’un