Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/551

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

place de son père assassiné sur le marché de Bou-Farik, selon toute probabilité, par les Hadjoutes, puis il avait été envoyé en mission dans l’outhane de Khachna. A son retour, peu s’en fallut qu’il ne prît dans Beni-Khelil la place de son pupille, qui n’avait, sur les Arabes, aucune autorité ; mais la création d’un kaïd français parut au général Voirol une nouveauté trop hasardeuse, et ce fut l’épaulette de sous-lieutenant qui récompensa les services de Vergé comme ceux d’Allegro.

L’hiver venu, la Métidja eût été parfaitement calme, si les Hadjoutes avaient permis à leurs voisins de vivre tranquilles, ou plutôt s’il leur eût convenu de rester tranquilles eux-mêmes ; mais la turbulence, l’esprit d’aventure et surtout le goût du pillage étaient depuis trop longtemps chez eux à l’état d’habitudes invétérées pour qu’on pût espérer sérieusement de les voir changer de conduite. Sans doute ils avaient beaucoup promis à La Moricière, et La Moricière avait beaucoup présumé d’eux ; la vérité est qu’on s’était fait illusion de part et d’autre. L’influence de La Moricière sur les Hadjoutes avait été un moment grande, mais il ne faudrait pas l’exagérer ; son départ pour Bougie a pu hâter la rupture ; sa présence l’aurait retardée peut-être ; elle ne l’eût empêchée certainement pas. Quand il revint, elle était consommée ; la première expédition qu’il fit, en 1834, à la tête de son bataillon de zouaves, ce fut contre les Hadjoutes. Il était parti un soir avec 300 de ses hommes et 100 chasseurs d’Afrique, comptant surprendre dans Haouch-Hadji des chefs de bandes que les espions y disaient rassemblés. La distance était énorme, 14 ou 15 lieues à franchir en une nuit ; le capitaine d’état-major Pellissier, aide-de-camp du général Voirol, qui guidait la colonne, ne la croyait pas aussi grande ; le jour s’était fait quand la cavalerie cerna le repaire ; elle n’y trouva que des femmes, des enfans et des vieillards ; on ne leur fit aucun mal. Les hommes ne se montrèrent qu’au retour en reconduisant, selon l’usage, à coups de fusil les visiteurs. Une opération manquée a le plus souvent de mauvaises conséquences ; cependant le lundi suivant, le capitaine Pellissier, le sous-lieutenant Vergé et le sous-lieutenant Allegro se rendirent au marché de Bou-Farik, où les indigènes leur parurent tranquilles ; il est vrai qu’à peu de distance était le général Bro avec deux bataillons, deux escadrons et deux obusiers de montagne.

De la fin de janvier au milieu de mai, il y eut une période de calme que le général Voirol sut employer d’une manière très utile et très sage. Il réorganisa les kaïdats de Beni-Khelil, Beni-Mouça et Khachna en divisant chaque outhane en cantons administrés chacun par un cheikh responsable de la tranquillité publique ; pour en