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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/560

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Sauf quelques coups de fusil tirés dans la journée du 5, l’installation française se fit paisiblement. Le blockhaus s’éleva au centre d’une redoute armée d’artillerie ; un vieux fort, voisin de la plage, fut mis en état, un four construit ; le blockhaus reçut une garnison de 25 hommes ; deux compagnies du 66e, avec quelques sapeurs du génie, occupèrent le fort qui fut bien approvisionné ; après quoi, le 10 juillet, la colonne reprit la route d’Oran, sous la conduite du général Desmichels. A moitié chemin, un escadron de chasseurs fut détaché, avec une compagnie de voltigeurs, pour reconnaître le chemin entre la montagne des Lions et la mer. Il ne put rentrer à Oran que fort avant dans la nuit ; le gros des troupes y était arrivé quatre heures plus tôt.

Quelques jours après, un bruit vint de Mascara que, pour se dépiquer d’Arzeu, Abd-el-Kader allait prendre sa revanche à Mostaganem. Au sujet de Mostaganem, Paris n’avait pas envoyé d’instructions ; en provoquer d’Alger n’était pas dans la tradition des généraux d’Oran. En effet, le général Desmichels ne témoignait pas plus de déférence au général Voirol que le général Boyer n’en avait montré au duc de Rovigo. D’ailleurs, le temps pressait et les courriers se seraient trop fait attendre. En homme qui ne craint pas la responsabilité, le général prit son parti résolument et sans retard. La frégate Victoire venait à point de mouiller à Mers-el-Kébir, amenant en renfort à la garnison d’Oran le 1er bataillon d’infanterie légère d’Afrique. A peine mis à terre, les zéphyrs furent remplacés par 900 hommes du 66e ; 550 autres, grenadiers et voltigeurs de la légion étrangère, artilleurs, sapeurs du génie, cavaliers démontés, prirent passage à bord d’une flottille. En vingt-quatre heures, troupes, munitions, vivres, matériel, tout était embarqué. La mer était mauvaise ; partie le 23 juillet de Mers-el-Kébir, forcée de relâcher à Arzeu, l’expédition dut atterrir, le 27, à Mers-el-Djedjad, le Port-aux-Poules, à l’embouchure de la Macta. Le soir même, les troupes prirent leur bivouac à la fontaine de Stidia ; le lendemain matin, à quatre heures, elles se remirent en marche. Quelques partis d’Arabes galopaient sur le flanc droit de la colonne : aux approches de Mazagran, vers huit heures, la fusillade devint assez vive ; l’avant-garde continua de marcher ; aussitôt on vit la population sortir précipitamment et fuir dans la plaine. De l’autre côté de la ville abandonnée, on apercevait un groupe assez nombreux d’hommes à pied et à cheval. Un cavalier s’en détacha et rapidement se dirigea vers l’état-major ; c’était un officier turc que le kaïd de Mostaganem, Ibrahim, envoyait saluer le général Desmichels.

Ibrahim avait fait, en moins de deux ans, une fortune étonnante. Turc de Bosnie, simple janissaire sous le dernier bey d’Oran, il était devenu, pendant l’intérim tunisien, chef des chaouch, puis