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commandant de Mostaganem. Après le départ de Kheredine-Agha, il avait repoussé les avances des Arabes et spontanément reconnu l’autorité française. Cependant on l’avait desservi auprès du général Desmichels ; on lui reprochait de s’être attribué le titre de bey alors qu’Abd-el-Kader avait reçu à Mascara celui de sultan, de percevoir des droits de douane et d’octroi dont il ne renduit compte à personne et d’avoir accaparé, avec le concours de quelques juifs, tout le commerce de Mostaganem. Quand son envoyé eut débité les complimens d’usage, le général répondit sévèrement que le kaïd aurait dû les apporter lui-même. Il se présenta une heure après, avec l’appareil fastueux d’un pacha. Sis chaouch, richement vêtus, marchaient devant lui ; deux nègres, à droite et à gauche, conduisaient son cheval par la bride ; autour de lui, sa garde turque ; derrière lui, sa maison militaire. En face, les troupes françaises, sévères d’aspect, blanches de poussière, noires de poudre, quel contraste ! Mal impressionné, soupçonneux, les sourcils froncés, le général Desmichels regardait et écoutait ce Turc grave, impassible, incertain du sort que les Français allaient lui faire, mais toujours maître de son visage, de sa parole et de son geste. L’état-major, moins prévenu que le général, lui fit bon accueil et lui donna place dans ses rangs. A onze heures, les troupes s’arrêtèrent sous les murs de Mostaganem.

La ville avait été grande autrefois. Des quatre quartiers dont elle se composait jadis, deux, Tijdit au nord, et Digdida au sud, n’étaient plus que des ruines ; des deux autres, séparés par le ravin de l’Aïn-Seufra, le plu6 considérable, la ville proprement dite, à l’ouest, était commandé par le fort des Gigognes ; l’autre, Matmore, plus élevé, moins étendu, était lui-même sous le feu du fort de l’Est. A 900 mètres de distance s’étendait la plage, dominée par un escarpement d’une dizaine de mètres, d’où s’élevait la coupole d’un marabout. Le général s’installa dans la ville, à l’ancien palais du bey, près du fort des Cigognes ; toutes les troupes bivouaquèrent au dehors. Les habitans reçurent l’assurance que leurs usages seraient respectés et qu’ils seraient toujours libres de sortir de la ville.

Le 29 juillet, au matin, les grand’gardes établies au nord, dans les ruines de Tijdit, furent attaquées pur des bandes arabes ; le soir, l’anniversaire officiel de la révolution de 1830 fut célébré, sur ce coin de terre, devant l’ennemi, par une revue des troupes et par une salve de vingt et un coups de canon, à laquelle répondit l’artillerie de la frégate. Le 30, profitant de la liberté qui leur avait été accordée la veille, la plus grande partie des habitans de Mostaganem abandonnèrent la ville ; les Arabes du dehors poussèrent l’insolence jusqu’à s’offrir pour aider à leur déménagement,