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manquée. La colonne se reforme, comme au 5 août, pour la retraite, les prisonniers et le bétail au milieu du rectangle ; mais il n’y a pas à craindre, comme au 5 août, de succomber sous le poids d’une chaleur accablante. Malgré la présence et les excitations d’Abd-el-Kader, les efforts des Arabes échouèrent contre la solidité des troupes. Rendues à Oran après une course de trente heures et treize heures de combat, elles n’avaient laissé en arrière ni un homme ni un cheval.

Malheureusement, l’année 1834 s’ouvrit par une affaire d’autant plus désagréable pour le général Desmichels qu’elle marqua le terme de ce qu’on peut appeler la période militaire de son commandement. Le 6 janvier, presque sous les murs d’Oran, deux escadrons de chasseurs, entraînés à la poursuite d’une troupe ennemie, tombèrent au milieu d’une masse de 1,200 cavaliers. Accouru de toute la vitesse de son cheval, tandis que le gros du régiment prenait les armes, le colonel Oudinot fit sonner la retraite ; les hommes ralliés avaient commencé de se replier en bon ordre quand tout à coup, par un de ces incidens inexplicables, mais dont l’exemple n’est pas rare, même dans les meilleures armées, la panique s’empara d’eux ; si rapidement qu’eût pu arriver le régiment à leur aide, un officier et seize chasseurs avaient déjà payé de leur vie cette malheureuse défaillance.


VII

Une révolution s’était faite dans l’esprit du général Desmichels. Après avoir voulu tout emporter par la force, il avait vu ses opérations, même les mieux conduites, demeurer stériles. Continuer d’agir offensivement avec l’obligation d’occuper fortement Mostaganem, suffisamment Arzeu, quand, au lieu de renforcer sa division, le ministère paraissait plutôt enclin à la réduire, c’était aller peut-être au-devant d’un échec ; se renfermer dans la défensive, comme avait fait le général Boyer, c’était prendre en face d’un adversaire orgueilleux une attitude trop humiliante. Pourquoi n’essaierait-on pas des moyens pacifiques ? On avait commencé de traiter avec les Sméla ; sans l’opposition d’Abd-el-Kader, ce traité eût donné des résultats utiles ; pourquoi ne chercherait-on pas à négocier directement avec Abd-el-Kader ? Ces idées communiquées, non pas au général Voirol, mais au ministre de la guerre, n’avaient pas été repoussées par lui ; le seul danger qu’il y eût à craindre, en prenant l’initiative d’une démarche aussi délicate, c’était d’exalter l’orgueil et d’accroître les prétentions de l’émir.

Quatre jours après l’affaire de Temezoura, le 6 décembre 1833, le général Desmichels lui avait adressé, sous prétexte de réclamer