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militaire ou être administré par elle comme il l’a été jusqu’ici, il vaudrait mieux l’abandonner ; mais je suis convaincu qu’on peut arriver à un bon système qui nous assurera des avantages dans l’avenir et nous permettra de réduire nos dépenses en hommes et en argent. »

La séance du 29 avril fut agitée par un violent réquisitoire de M. Dupin. On n’a pas respecté les mosquées, on a insulté les tombeaux ; a-t-on respecté les propriétés ? « Non ; et ce ne sont pas seulement des spéculateurs, mais, il faut le dire, des fonctionnaires publics de l’ordre civil comme de l’ordre militaire, et quelquefois du rang le plus élevé, qui ont déshonoré leur double caractère en se livrant à des spéculations qu’ils auraient dû s’interdire. On envoie des gens qu’on n’oserait pas mettre en évidence dans la métropole, et quand ils sont loin de la surveillance, il est évident que des abus très graves doivent en résulter. Quand les spéculateurs ont fait leurs affaires, ils voudraient que le pays entier s’armât pour faire valoir leurs spéculations. On a vendu des terres à Alger comme des quantités algébriques ; la plaine de la Métidja a été vendue cinq ou six fois sa contenance. La colonisation est une chose absurde ; point de colons, point de terres à leur concéder, point de garanties surtout à leur promettre. Il faut réduire les dépenses à leur plus simple expression et hâter le moment de libérer la France d’un fardeau qu’elle ne pourra et qu’elle ne voudra pas porter longtemps. » A la suite de ce discours, marques nombreuses et prolongées d’adhésion, dit le Moniteur. Visé par la diatribe du virulent procureur-général, le maréchal Clauzel repoussa les insinuations blessantes comme les accusations formelles.

L’occupation restreinte, réclamée par M. Pelet de la Lozère, était combattue par M. de La Pinsonnière, partisan du système progressif : « Ce n’est qu’une retraite déguisée, disait-il ; en attendant, c’est le vol du chapon. » Dans un sens contraire à l’opinion de M. Dupin, M. Viennet n’était pas moins ardent : « On n’ose pas dire : Abandonnez Alger, s’écriait-il ; mais on tend à nationaliser la pensée d’un abandon qui deviendrait le déshonneur éternel de la révolution de juillet. N’abandonnez pas votre conquête ; il y va de votre honneur. Le ministère qui aurait cette lâcheté ne pourrait plus se présenter devant la France, et à tant de mécontentemens qui entravent notre marche vous en ajouteriez un qui entraînerait peut-être votre ruine. »

Le gouvernement ne s’était pas encore prononcé. Le 30 avril, le maréchal Soult, président du conseil, parut à la tribune. Son langage, comme l’année précédente, comme l’année d’avant, ne satisfit personne. « La question principale, dit-il, est trop controversée, dans un système comme dans un autre, pour que, au nom du gouvernement, je puisse émettre une opinion. Une grande