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servir à l’histoire politique. En effet, indépendamment des dépêches sur les grandes affaires courantes, les correspondances diplomatiques traitent naturellement aussi d’un nombre infini de sujets variés. Elles contiennent des lettres de princes et de rois, d’hommes de guerre, de savans, d’artistes ; elles comprennent des notes ou mémoires communiqués à nos ambassadeurs ou bien rédigés par eux sur les travaux publics, l’économie sociale, les arts et les lettres. L’ambassadeur qui tient la plume est-il un homme d’esprit, la cour où il traite compte-t-elle des personnages d’une réelle valeur, on a des portraits qui peuvent mériter de devenir des pages à la fois littéraires et historiques. Est-il homme du monde en même temps qu’agent habile, il décrit les salons et les cercles qui lui offrent son meilleur butin. Est-il sérieux et réfléchi, il note avec soin les progrès de la richesse publique autour de lui et les moyens par lesquels cette richesse s’acquiert. Il serait trop facile de citer des exemples connus de ce caractère de richesse anecdotique que présentent les registres de nos archives des affaires étrangères. Pour ne parler que des correspondances concernant la Suède ou émanées de Suède, que n’y trouvera-t-on pas en dehors de l’histoire générale (je parle d’après mes seuls extraits, que j’ai sous les yeux), sur les protestans officiellement enlevés pour être instruits dans la religion catholique, sur les rivalités sourdes des divers états qui s’efforcent de se dérober réciproquement les ouvriers tisserands ou autres ? Un certain Français, nommé Mazaire, a établi une manufacture de bas de soie à Stockholm qui fait une redoutable concurrence à la fabrique de Lyon ; réclamé par son gouvernement, il craint de subir chèrement en France ce que l’ambassadeur appelle « la peine de son crime. » (juin 1787.)

Ici les dépêches enregistrent une lettre de M. de Montyon, « conseiller d’état, qui s’occupe d’un grand travail sur les finances de toutes les puissances de l’Europe. » (10 décembre 1785.) Là le célèbre comte de Saint-Germain offre le secours de ses inventions surprenantes : « un canon qui ne recule pas, qui tire dix fois plus qu’un autre dans le même temps, qui coupe en deux une ficelle ou un cheveu, et peut être servi par un seul homme ; un navire sans mâts, excepté celui de vedette, sans voiles ni matelots (car tout le monde sera pour le diriger suffisamment habile), et qui ira et reviendra à point nommé d’un bout à l’autre du monde sans craindre ni orage, ni calme, ni courant, ni tempête, ni côtes. (22 décembre 1759.) » Ailleurs (13 juillet 1790), la correspondance diplomatique transmet les prophéties de la demoiselle Labrousse, de Vauxhin en Périgord. Elle prédit qu’en 1792 « il y aura au ciel un météore que verront les habitans de toute la terre, qu’il