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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/650

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licence étaient préjudiciables : pour y remédier, on a interdit le commerce aux uns et prescrit des règles aux autres qu’ils jurent d’observer. »

Les Valois avaient multiplié les règlemens. Henri IV n’en ordonna point de nouveaux et appliqua les anciens d’une façon fort libérale. « Henri IV, dit M. Le Play, traita cette matière avec la supériorité, la prudence et le bon sens qu’il apporta dans les autres branches de l’administration, et où se trouve la véritable source de la prééminence de notre pays au XVIIe siècle. Évitant de heurter les préjugés établis, il n’abrogea pas formellement les lois de ses prédécesseurs, mais il les laissa tomber en désuétude. » Sous Louis XIII et le cardinal de Richelieu, on reprit avec sévérité l’exécution des anciennes lois, notamment d’un règlement de 1569, renouvelé en 1626, et qui paraît aux économistes modernes étrange et inexplicable entre tous. « On trouva ingénieux, s’écrie M. Cochut, de forcer les boulangers à acheter loin des villes, afin que les cultivateurs des alentours, trouvant moins à vendre, fussent moins exigeans pour les prix… Défense fut faite aux boulangère parisiens d’acheter des grains dans un rayon de huit lieues autour de la ville… » Delamare juge encore la mesure excellente. « Toutes ces défenses ont pour objet d’engager les laboureurs d’amener ou d’envoyer leurs grains au marché des villes lorsqu’ils le peuvent faire sans les détourner beaucoup de leurs travaux de la campagne… Cet article de la police des grains bien exécuté produit trois bons effets : le premier, que l’abondance paraît toujours dans les marchés ; le second, que l’on y achète toujours de la première main, et le troisième, que l’incommodité de séjour et l’empressement de s’en retourner chez soi engagent les laboureurs et les autres qui ont amené leurs grains au marché de se relâcher sur le prix. » Pour ces trois bons effets obtenus jadis, que de mauvais effets produirait aujourd’hui une loi pareille ! Mais que sert de juger le passé sans tenir compte d’une foule d’usages oubliés, de conditions économiques profondément modifiées, de nécessités disparues ? Glorifier le passé de parti-pris est une manie ; mais le décrier est une sottise, et c’est également vivre dans les rêves que d’en craindre ou bien d’en souhaiter le retour.

Si les mesures conseillées par les économistes d’autrefois ont de quoi nous surprendre, les décisions des savans nous étonnent plus encore. On se mit, sous Louis XIV, à fabriquer un pain mollet, qu’on faisait lever par la levure de bière ; auparavant on n’avait usé que de la pâte aigrie, conservée de l’opération précédente. Aujourd’hui le procédé est général, et le ferment alcoolique est partout employé, au moins dans les boulangeries des villes. Il paraît que