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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/651

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l’Académie de médecine[1] s’émut de cette innovation. Guy Patin déclara le pain mollet malsain, capable d’engendrer toutes les maladies. Claude Perrault tenait pour l’opinion contraire. L’assemblée lui donna tort et, le 24 mars 1668, elle décida par 45 voix contre 75 que « la levure de bière est préjudiciable au corps humain par son âcreté, née de la pourriture de l’orge et de l’avoine. » Il est vrai que ces étonnans physiologistes ne tardaient pas à se déjuger, les amateurs du nouveau pain s’étant obstinés à en manger et à ne point mourir, malgré l’arrêt de la faculté. Et en 1670 le pain mollet triomphait devant l’Académie de médecine et devant le parlement. C’est celui que nous mangeons encore : il n’en fallait pas moins pour assurer sa longue carrière, et cette pacifique révolution de la boulangerie a fait disparaître les lourds gâteaux de farine, les épaisses boules de mie, que fabriquaient les talmeliers du moyen âge.

Au XVIIIe siècle, le système de la réglementation continua de prévaloir avec toutes les aggravations qui dataient du règne de Louis XIV. « Ce prince, dit M. Le Play, avait répudié ici, comme partout ailleurs, les traditions établies. Pour soutenir une mauvaise organisation financière et satisfaire son esprit de domination, il rétablit le régime réglementaire en lui donnant des développemens sans exemple, et il prit à tâche de soumettre au contrôle direct de l’autorité toutes les opérations qui se succèdent depuis la production du blé jusqu’à la consommation du pain. »

Il ne faudrait pas cependant trop noircir les ombres du tableau. Sauf à certains momens, où la manie de réglementation, surexcitée par la crainte de la disette, fut portée à l’excès, le contrôle des pouvoirs publics s’exerça bien plutôt sur le commerce et sur le transport des grains que sur la boulangerie proprement dite. Nous trouvons dans le même rapport de M. Le Play les lignes suivantes : « La comparaison du présent au passé est moins satisfaisante en ce qui concerne le commerce du pain ; car l’ancien régime s’était défendu de la plupart des erreurs au milieu desquelles nous nous engageons chaque jour davantage. Le règlement de 1264, confirmant un état de choses qui était généralement appliqué aux industries urbaines de l’Europe, maintenait, pour le pain de luxe, le double principe de la taxe et de la corporation ; mais il posait fermement le principe de la libre concurrence pour le pain de ménage que consommait la masse de la population. Depuis le moyen âge jusqu’à la révolution de 1789, cette distinction a toujours été conservée, et les innombrables modifications apportées au régime réglementaire n’ont jamais concerné que le pain de luxe.

  1. André Cochut, Ibid.