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figuraient déjà dans l’édition de 1664, la première de toutes, et bâtit là-dessus toute une petite théorie dont on peut juger la valeur. Ce n’est pas pour lui qu’il y a deux ans M. Pauly a réimprimé tout au long le Premier texte de La Rochefoucauld. Il veut parler de Pascal ; et il semble n’avoir pas seulement l’idée de ce que l’on a tenté d’efforts depuis bientôt un demi-siècle pour reconstituer le plan de cette apologie dont les Pensées ne sont que les fragmens. Ce n’est pas pour lui que M. Frantin, que M. Astiê, que M. Victor Rocher, que M. Molinier ont publié leurs éditions de Pascal. Il veut parler de Bossuet, de Louis XIV, de Mme de La Vallière, de Mme de Montespan, et il ne connaît pas les ouvrages qui, dans ces dernières années, ont sensiblement modifié sur tous ces personnages le jugement de l’histoire. Ce n’est pas pour lui que l’abbé Duclos a publié son livre sur Mme de La Vallière et Marie-Thérèse d’Autriche, ou M. Lair son livre sur la Jeunesse de Louis XIV. Que lui dirai-je encore ? qu’il confond constamment Mme et Mlle de Scudéri, la correspondante de Bussy-Rabutin avec l’auteur du Grand Cyrus et de la Clélie ? qu’ayant à parler du manuscrit des Pensées de Pascal, il n’a pas pris la peine d’aller le consulter de ses yeux à la Bibliothèque nationale ? qu’il fait honneur à M. Gabriel Hanetaux d’une des lourdes méprises qu’archiviste ait jamais commise en publiant comme « inédit » un texte que tout le monde pouvait librement consulter depuis près de dix ans ? En effet, c’est l’abbé Hurel qui, le premier, dans ses Orateurs sacrés à la cour de Louis XIV, — autre livre, en passant, dont M. Deschanel n’a pas connaissance, — avait publié le Mémoire sur la vie d’Henriette de France, rédigé par Mme de Motteville pour servir à l’oraison funèbre de la reine d’Angleterre, et M. Gabriel Hanotaux, en le réimprimant pour la Camden Society, n’a fait qu’y ajouter les fautes d’impression les plus bizarres et les moins permises. Mais on pensera que c’en est assez pour convaincre M. Deschanel d’une insuffisance de préparation et d’une légèreté rares.

A-t-il seulement lu ses auteurs, j’entends ce qui s’appelle lire ? et connaît-il de Bossuet, par exemple, autre chose que ses Oraisons funèbres ou son Discours sur l’histoire universelle ? J’ai des raisons de croire qu’il a feuilleté les Élévations sur les mystères et les Méditations sur l’Évangile, mais certainement, pour en parler comme il a fait, il n’a point lu l’Histoire des variations, et encore moins les Sermons, pour ne pas en tirer plus de parti. Car, puisqu’il continuait d’affecter de traiter du romantisme des classiques, ce n’était pas dans les Oraisons funèbres, c’était dans les Sermons qu’il fallait chercher les plus curieux exemples de cette familiarité souveraine qu’il est permis à la rigueur d’appeler le romantisme de Bossuet. Mais si, sans inutilement s’obstiner à soutenir un paradoxe qui n’était amusant qu’à la condition d’y glisser, il voulait nous parler de Bossuet, c’était par l’Histoire des