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LE MOUVEMENT FINANCIER DE LA QUINZAINE

Notre marché a lutté avec une ténacité et une énergie des plus remarquables pour ne pas se laisser influencer par le marché anglais. Au milieu du mois, le 3 pour 100 était encore au-dessus de 82 francs (coupon non détaché) et le 4 1/2 au-dessus de 110 francs, alors que les consolidés étaient tombés à 97 l/4 et les fonds russes cotés à des cours de panique à Londres et à Berlin.

Cette situation anormale et précaire s’est prolongée jusqu’aux approches de la fin du mois. Elle ne pouvait se terminer que par un étranglement du découvert à Londres ou par une violente rupture d’équilibre chez nous, la spéculation à la hausse n’ayant pu soutenir jusqu’à ce moment ses positions si aventureuses que par une dépense d’efforts quotidiens qui devait se trouver épuisée par la force des choses au premier jour, même en dehors de toute intervention des événemens.

La liquidation de Londres a démontré qu’il serait chimérique de penser à un étranglement du découvert anglais. Le parti de la baisse a triomphé là avec une facilité dont on ne tarda pas à ressentir ici le premier contre-coup. Les rentes ont commencé à fléchir avec l’Italien, le Turc, le Hongrois, l’Unifiée et la Banque ottomane, c’est-à-dire avec tout le groupe de valeurs dont les fluctuations sont principalement déterminées par les tendances et les mouvemens de Londres et de Berlin.

Il était dès lors assez manifeste que nos haussiers auraient fort à faire pour empêcher que la liquidation de Paris ne ressemblât à celle de Londres. Ils ne désespéraient cependant point d’y réussir, à la faveur du vote des conventions financières égyptiennes par le parlement anglais et de la réunion à Paris, le 30 mars, des délégués des puissances européennes, chargés d’étudier les questions relatives à la liberté du passage à travers le canal de Suez. Mais il fallait encore que les informations concernant le conflit anglo-russe devinssent rapidement plus satisfaisantes et surtout qu’aucun événement imprévu ne surgit avant la liquidation. Peut-être encore, avec tous ces élémens favorables, les haussiers n’auraient-ils pu lutter plus longtemps contre les effets du désarroi de la place de Londres.