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méditerranéen un vaste camp retranché. Ainsi, pour préciser davantage, les batteries du cap Sepet, de la pointe de la Grosse-Tour etc., sont desservies par l’artillerie de marine ; les forts du Faron, de Six-Fours, etc., le sont, au contraire, par l’artillerie de la guerre. Mais ce partage d’attributions entre la guerre et la marine n’existe plus pour la défense des ports de commerce, dont les ouvrages, lorsqu’ils en possèdent, appartiennent uniquement à la guerre. Ce sont les généraux commandant la zone dans laquelle se trouvent ces ports qui sont chargés de les préserver contre toute attaque, même contre une attaque maritime. Il est permis de se demander si cette organisation répond aux exigences de l’avenir. Sans doute, un général habile est capable de s’acquitter heureusement du rôle qui lui est confié. Masséna a défendu Gènes, bloqué par terre et par mer, mieux ou du moins aussi bien qu’aurait pu le faire le plus héroïque des amiraux. Mais les temps ne sont-ils point changés ? Beaucoup de personnes ne le pensent pas : elles sont d’avis qu’il faut laisser les marins sur l’eau ; qu’on ne trouverait aucun intérêt à les immobiliser dans des forteresses ; que, si leur connaissance des manœuvres d’une flotte ne serait pas sans utilité pour repousser les tentatives de bombardement, comme tout bombardement peut être suivi d’un débarquement, les militaires sont mieux préparés qu’eux à déjouer cette seconde opération, suite naturelle de la première ; qu’en conséquence le plus simple serait de confier à la marine le service des torpilles, mais de laisser à la guerre celui de l’artillerie en fondant l’artillerie de marine dans l’artillerie ordinaire. Elles ne verraient aucun inconvénient à placer les officiers chargés des torpilles et des torpilleurs dans les ports de commerce sous la direction des généraux de la région. La marine resterait toujours sur mer, son élément véritable, le seul qu’il ne puisse même pas être question de lui disputer.

On sait que les Allemands ne partagent point cette manière de voir. Après un mûr examen, ils ont décidé de mettre dans les attributions de la marine la défense de toutes les fortifications des côtes, et les motifs qui les ont portés à prendre cette résolution tiennent à l’idée, fort juste selon nous, qu’ils se sont faite les premiers de la guerre maritime de l’avenir. Convaincus que la torpille sera dorénavant l’agent principal, essentiel, de la défensive aussi bien que de l’offensive, ils ont pensé qu’il fallait lui subordonner tous les autres, afin de donner à leurs opérations l’harmonie et l’unité qui doivent les rendre plus efficaces. Jusqu’à ces dernières années, la torpille ne jouait, chez eux comme chez nous, qu’un rôle secondaire ; aussi en avaient-ils longtemps laissé le maniement partagé entre l’armée et la marine. C’était un détachement des troupes du génie qui était chargé de barrer l’entrée de leurs ports, le plus sûrement et