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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/779

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le plus rapidement possible, avec des torpilles fixes. Ce travail, qui différait beaucoup des autres travaux des sapeurs, avait l’inconvénient de distraire de leur destination, en temps de guerre, un grand nombre de ces militaires. De plus, il pouvait gêner singulièrement la marine, qui a un grand intérêt à maintenir les ports ouverts le plus longtemps qu’il se peut, afin d’y trouver, en cas de besoin, un refuge assuré. Elle seule est en mesure d’arranger les choses de manière que la défense des ports ne lui en interdise pas l’entrée. Un emploi plus étendu des bateaux-torpilleurs et des batteries de torpilles permettra désormais de concilier tous les intérêts. L’introduction des batteries de torpilles dans les armes dont l’artillerie et le génie doivent faire usage aurait eu les mêmes inconvéniens que l’emploi des torpilles fixes. Il est donc évident qu’aucun commandant de place maritime ne pourrait se passer du concours d’un personnel marin. Pour placer les torpilles, pour soutenir les bateaux-torpilleurs, pour profiter de leurs succès, pour tenir éloigné l’ennemi, il faut des marins. Il en faut également pour faire le service des avant-ports en mer, dans les ports de commerce, à l’aide des bâtimens et des matelots empruntés à la marine marchande. Dès lors, le personnel et le matériel maritime prennent une importance capitale, ou plutôt prennent le premier rang dans l’armement des places des côtes. Pourquoi donc ne pas organiser ces places de manière à ce que cette suprématie de la marine soit assurée ? Il n’y a que les marins qui soient aptes à reconnaître les navires ennemis, à en apprécier la valeur, à comprendre leurs manœuvres, à découvrir les moyens de les déjouer : pourquoi donc ne pas leur laisser uniquement un soin dont personne ne s’acquitterait aussi bien qu’eux ? Quelque habile, quelque distingué qu’il soit, un général ne vaudra jamais un amiral pour cela. Une flotte apparaît au large ; elle évolue en face des côtes : quelle opération prépare-t-elle ? Sur quel point et de quelle façon dirigera-t-elle ses entreprises ? Problème grave, dont la solution demande non-seulement une grande intelligence, mais le coup d’œil du marin, mais la science et la pratique des choses de la mer. Et lorsqu’il s’agit de s’opposer, même avec les canons des forteresses et des batteries, soit à un débarquement, soit à une entreprise quelconque de l’assaillant, croit-on que le canonnier de marine, habitué à tirer sur un but mobile, à viser un bateau en marche, ne sera pas mieux préparé que l’artilleur à cette tâche difficile ? Pour repousser l’attaque, aussi bien que pour la prévoir, c’est donc au marin qu’on doit recourir.

Ces raisons, qui ont amené l’Allemagne à confier la défense des côtes à la marine, sont trop conformes aux idées que nous avons exposées sur l’attaque de ces mêmes côtes pour que nous hésitions