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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/780

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à les adopter. Nous avons tâché de montrer, on s’en souvient, que désormais il serait tout à fait inutile de faire le siège des fortifications, de bombarder les gros ouvrages de terre, de cribler de boulets impuissans des massifs blindés ou des terrassemens. Ce qui sera le plus menacé, ce ne seront point nos arsenaux, qu’il est toujours possible, sinon facile, de mettre à l’abri des coups de l’ennemi, ce seront nos ports de commerce, nos villes du littoral, les voies ferrées qui les relient, qui sont et resteront ouverts, exposés à toutes les entreprises. Que pourrait l’armée pour les protéger, pour les sauver ? Nous avons expliqué aussi que les flottes ennemies, qui viendront ravager nos rivages, se composeront de bâtimens légers, minuscules, profitant de l’ombre de la nuit afin de tenter plus sûrement leurs sanglantes aventures. A quoi servirait d’essuyer de les atteindre dans l’obscurité à l’aide de l’artillerie des forts, si formidable qu’elle fût ? Par le fait même des progrès modernes, l’artillerie tombe au second rang dans la guerre maritime ; elle devient, pour ainsi dire, l’auxiliaire de la torpille. C’est cette dernière qui, portée au large sur des navires non moins minuscules que les navires d’attaque, sur des flottilles légères croisant sans cesse en face des points menacés, peut espérer de détourner d’eux les périls prêts à les frapper. C’est encore elle qui, fixée dans les passes, peut en interdire l’accès aux assaillans. Le rôle du canon est donc, nous le répétons, un rôle subordonné. Il doit soutenir la torpille, il ne doit pas risquer de l’entraver. Or, pour qu’il en soit ainsi, la zone d’action de chacun d’eux ne saurait être trop nettement déterminée d’avance. La nuit, les canons ne seront en état de tirer qu’à la condition d’éclairer soigneusement l’horizon, de le fouiller avec des lampes électriques pour essayer de découvrir l’adversaire, qui n’épargnera, de son côté, aucun effort pour se soustraire aux regards. Mais quel fâcheux résultat si cette manœuvre du canon gênait celle de la torpille soit en illuminant des régions où seraient établies les torpilles sous-marines que les navires ennemis enteraient alors bien aisément, soit en divulguant la présence de torpilleurs défensifs cherchant à surprendre ces mêmes navires pour les couler ! Et ne s’y exposerait-on pas en donnant l’artillerie à la guerre, tandis que la torpille appartiendrait à la marine ? Une complète unité d’action ne se produit qu’avec une unité complète de commandement ; il semble donc bien naturel que le corps qui se sert de l’arme principale, le corps sur lequel reposent, en définitive, les opérations décisives, soit aussi celui auquel on confie les opérations accessoires destinées à soutenir les premières. Du moment que la marine est l’élément essentiel de la défense des côtes, des ports et des rades, du moment qu’on ne saurait se passer d’elle, que tout, au contraire,