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écoulés, nous nous trouvons dans une situation aussi fâcheuse qua l’époque où elle s’est produite. Si de nouvelles hostilités éclataient demain, nous en subirions certainement de pareilles ; elles nous seraient infligées avec d’autant plus de facilité qu’en 1870-1871 nos flottes étaient maîtresses absolues de la mer, tandis qu’aujourd’hui toutes les puissances qui pourraient entrer en lutte avec nous auraient le moyen de nous en disputer, sinon de nous en arracher la possession. Mais la marine ne porterait pas la responsabilité de ces malheurs, puisqu’avec la marche lente des escadres elle ne saura ! plus atteindre au large les croiseurs et les canonnières, et que son action expire à l’entrée même de ces ports de commerce, où un ennemi audacieux viendrait accomplir ses exploits.

On objecte que la défense des côtes ne consiste pas uniquement à préserver un arsenal d’un bombardement, une ville ouverte d’un incendie, une rade des coups de main hardis d’un corsaire contra les bateaux qui s’y seraient réfugiés. Il n’est pas moins nécessaire de s’opposer à un débarquement. C’est à l’armée qu’appartient sans contredit ce dernier soin, et comment s’en acquittera-t-elle si on lui enlève tous les forts d’où elle surveillerait l’ennemi ? Nous pourrions répondre en rappelant ce que nous avons dit sur l’inutilité et, par suite, sur le peu de probabilité des débarquemens dans les guerres de l’avenir. Le débarquement d’un corps de troupes tant soit peu considérable sur un territoire ennemi deviendra de plus en plus rare. Mais, en supposant qu’il soit encore tenté quelquefois, ce n’est pas sur la côte même qu’il faudra le repousser, c’est au large, en lançant au milieu des flottes de transports des escadrilles de torpilleurs et de canonnières, qui leur causeraient d’affreux dommages. Les côtes de la France, avec leurs sémaphores, leurs lignes télégraphiques assurant la concentration rapide de ces escadrilles, resteraient toujours reliées aux côtes ennemies d’où pourrait sortir une flotte de transports, par nos croiseurs à grande vitesse et nos éclaireurs de tout genre. La sortie de cette flotte serait donc immédiatement signalée, et les escadrilles lancées à sa poursuite. Si, par hasard ou par malheur, elles ne la rencontraient pas au large, elles serviraient encore efficacement à l’heure du débarquement. S’imagine-t-on le désordre, le trouble des embarcations assaillies par des torpilleurs de défense, le désarroi des transports menacés par des torpilleurs d’attaque au moment où s’opéreraient la mise à flot et le chargement de ces embarcations ? En supposant que l’ennemi eût choisi un point de débarquement protégé par l’artillerie, l’effet des canons des forts serait sans contredit moins terrible, et là encore, s’il venait à gêner l’action des torpilleurs, il ferait beaucoup plus de mal que de bien. Les deux opérations doivent être combinées de telle manière que l’une ne soit jamais pour