Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 68.djvu/783

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’autre une entrave sérieuse, ce qui ne saurait s’obtenir qu’en subordonnant la moins importante à celle qui l’est davantage. Admettons toutefois, car tout arrive, que, la marine échouant pour une raison quelconque dans sa tâche, l’ennemi parvienne à débarquer. Alors commence le rôle de l’armée. Toutes les lignes de chemin de fer, toutes les routes de terre, toutes les fortifications qui les commandent sont restées entre ses mains ; elle est donc maîtresse du terrain contre un ennemi sans autre base d’opérations que la mer, où sa flotte de transports continue d’être exposée à l’assaut d’un croiseur ou à la surprise d’une torpille. Comme nous l’avons montré, il lui sera facile d’en venir à bout, et la marine la secondera dans cette entreprise en réunissant de nouvelles escadrilles pour attaquer de nouveau la flotte de transports. Quant à l’armée et la marine procéderont avec cette harmonie, avec cette sage division du travail, chacune suivant ses fonctions naturelles, en se soutenant réciproquement sans empiéter jamais sur les attributions l’une de l’autre, la défense des côtes sera mieux assurée, l’armée sera délivrée d’une mission qu’elle n’est pas sûre de pouvoir remplir, et les intérêts de la marine seront plus sérieusement garantis qu’ils ne l’ont été jusqu’ici.

Nous sommes donc de ceux qui pensent que l’exemple de l’Allemagne est bon à suivre. Il est suivi, en effet, par les nations que n’entravent pas les traditions d’une marine vieillie, par la Russie et par l’Autriche. En Russie, le littoral est divisé en zones de défense placées sous le commandement du commandant de forteresse le plus ancien, lequel est nommé par décret impérial. Il est de règle que ces commandemens soient attribués à des officiers de marine, à moins que la forteresse, bien que située sur la côte, n’ait de valeur stratégique qu’au point de vue de l’attaque par terre. Déjà, dans la dernière guerre, les côtes de la Baltique étaient divisées en zone de défense sous le commandement d’un contre-amiral. Mais cette organisation reçoit chaque jour de nouveaux développemens. Deux compagnies de torpilleurs, dans lesquelles, faute de personnel maritime, on a incorporé des pontonniers, ont été créées : l’une a son siège de commandement à Saint-Pétersbourg, l’autre à Odessa, et elles sont réparties sur différens points des côtes, par petits détachemens chargés, en temps de paix, d’étudier la contrée où elles devront opérer pendant la guerre. En même temps, des flottilles de torpilleurs évoluent chaque année au milieu des écueils du littoral, afin de familiariser officiers et matelots avec ce genre de navigation. Nous dirons plus loin comment les douaniers sont appelés à seconder la défense des côtes. L’Autriche, qui prend en toutes choses l’Allemagne pour modèle, est complètement entrée dans la voie où celle-ci l’avait si hardiment précédée. Exposant aux Délégations,