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pouvoirs publics, s’ils croient bon de changer la juridiction, de ne pas se laisser arrêter sous prétexte qu’elles font valoir leur héritage comme un simple agriculteur fait valoir son champ. Il ne faut pas insister non plus sur la difficulté de trouver un juge d’appel. Il est sans doute assez difficile de donner les appels soit au tribunal de commerce, parce que ces litiges ne sont pas précisément commerciaux, soit au tribunal civil, qui ne connaît pas, en droit commun, des décisions rendues par les prud’hommes. Mais le problème n’est pas insoluble, et ces objections ne doivent pas empêcher la réforme, pourvu qu’elle soit utile. Ce qui serait déraisonnable, c’est de sortir du droit commun pour créer une mauvaise juridiction.

Or, jusqu’à ce jour, quand on établit un conseil de prud’hommes, diverses industries concourent à sa formation : c’est pourquoi, si quelque procès survient entre les patrons et les ouvriers d’une industrie particulière, il est statué par des juges désintéressés. Cette fois, au contraire, un petit nombre de mines fournirait tout le personnel. Les juges seraient parties et les parties juges, ou peu s’en faut, car chaque solution pourrait être regardée comme un précédent, et chacune des deux fractions du tribunal aurait un intérêt à ne pas laisser se former une jurisprudence qui lui serait défavorable. La tâche des pouvoirs publics est d’assurer l’impartialité du juge, et c’est pourquoi le législateur français a refusé de scinder les conseils de prud’hommes en sections, cette fois, il aurait fait de son mieux pour intéresser le magistrat au procès, c’est-à-dire pour l’amener à rendre des services au lieu de jugemens. Encore si le projet voté par la chambre des députés ne faussait pas le ressort même de l’institution, qui est la pondération exacte des deux élémens ! Mais on établit ouvertement, dans les futurs conseils, la prépondérance des ouvriers en noyant les véritables patrons dans une catégorie d’électeurs et d’éligibles qui comprend, outre les concessionnaires et les administrateurs, non-seulement les ingénieurs des travaux, mais encore les chefs mineurs, les chefs d’ateliers et les surveillans, expressément assimilés aux simples ouvriers par la loi de 1853. Comment les patrons peuvent-ils attendre de semblables tribunaux des décisions équitables ? La juridiction actuelle est évidemment supérieure à celle qu’on nous propose. Donc il faut rester dans le droit commun.

Enfin les Cahiers de doléances demandent que la journée de travail soit indistinctement réduite à huit heures, et contiennent, quoique sous une forme un peu plus indécise, le vœu qu’on empêche les compagnies de faire travailler à la tâche. Le premier de