Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/107

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sur sa vie, en prévision de l’oisiveté, de la maladie, de la vieillesse, de tous les maux enfin qui menacent l’individu ainsi que les membres de chaque famille, ont attiré l’attention de tous ceux qui pensent, parlent ou écrivent, et le recueil serait grand des ouvrages spéciaux consacrés à l’assurance sous toutes ses formes, non-seulement de l’assurance individuelle, mais encore de l’assurance collective étendue à des groupes plus ou moins nombreux : quelques-uns prétendent qu’elle devrait s’étendre à tous, et que c’est manquer au devoir social de l’état que de ne pas la fournir à l’universalité des citoyens. Le contrat d’assurance marque en tout cas un progrès considérable dans la constitution de la fortune publique et les procédés à l’aide desquels cette fortune a été mobilisée.

Ce n’est pas d’hier que les moyens de vulgariser le crédit : la substitution du papier à la monnaie, l’industrie des banques, ont pris naissance, et il faut remonter aussi très haut pour trouver les premiers règlemens des contrats d’assurance; mais c’est vraiment de nos jours que ces opérations ont pris le plus d’extension, ont pénétré le plus profondément dans toutes les couches sociales, à tel point que notre siècle en semble presque le créateur, et tout n’est pas dit sous ce rapport : les spécialistes ne manquent pas pour affirmer que, loin d’être épuisée, la matière n’est presque pas entamée, en France surtout, où, si les établissemens de crédit ont dépassé presque les limites nécessaires, l’assurance n’a pas été l’objet des mêmes entraînemens. Cela pouvait être vrai, il y a un certain nombre d’années ; nous-même, en 1859[1], à propos du crédit mutuel, et en 1867[2], au sujet des assurances sur la vie, nous constations, en le comparant avec l’Angleterre, l’état d’infériorité de notre pays ; nous l’expliquions par la différence de nos mœurs financières, nos habitudes de l’épargne, notre mode de placemens industriels et les avantages spéciaux que la création de nouvelles valeurs assurait à coup sûr à leurs possesseurs ; depuis lors, les circonstances n’ont-elles pas singulièrement changé? N’est-il pas opportun de le reconnaître et de constater les faits nouveaux? Nous le croyons d’autant plus que tout d’abord le progrès a commencé à se produire avec une grande rapidité, puis la mesure a été dépassée, et un brusque revirement a eu lieu. Le succès des compagnies d’assurances, presque trop grand, s’est changé plus tard en revers pour quelques-unes; mais pour les assurances comme pour les banques le temps de l’accalmie est revenu, la fièvre a cessé, et comme l’expérience est bonne à méditer, il nous paraît utile d’en exposer les leçons.

  1. Voyez la Revue du 15 février 1859.
  2. Voyez la Revue du 1er février 1867.