qu’on l’imagine, rappelle toujours le moule des sociétés orientales, — tous les principes de la société moderne et de l’économie politique, l’autorité collective ne saurait jamais avoir qu’une place limitée dans les transactions économiques. Nous verrons si quelques-uns de nos professeurs ne tendent pas à exagérer son rôle. Mais ils se sont abstenus de cette critique excessive de la concurrence dont les socialistes de la chaire ont donné l’exemple, qui nous ferait trembler pour nos professeurs de droit, si nous accordions trop d’importance à certains symptômes analogues. Au lieu d’introduire des correctifs opportuns et peut-être nécessaires, les socialistes de la chaire, dans leurs critiques contre la concurrence, ont du même coup traité l’économie politique comme une chimère digne des songe-creux de l’utopie, et parlé de ses principaux maîtres comme on parle des faiseurs de systèmes sociaux, d’un Fourier, d’un Robert Owen. On peut dire qu’en perdant le sens de la liberté économique, ils ont perdu à la fois l’intelligence de la science même, sans qu’on puisse bien voir quelles théories tant soit peu précises ils ont à offrir, quels remèdes pratiques ils présentent d’une efficacité un peu soutenable. Dévots à l’autorité jusqu’à la superstition, ils tendent les mains vers cette idole dont la puissance miraculeuse est pourtant, en matière économique particulièrement, percée à jour depuis longtemps.
Nos professeurs français ne donnent pas du moins dans de tels excès. Dans cette concurrence qui place en regard les uns des autres des individus intelligens et libres, que leur intérêt le plus évident engage à ne pas pousser habituellement leurs avantages jusqu’à ces extrémités qui engendrent les représailles, ils se refusent à ne voir que l’application brutale de la loi darwinienne, que l’expression implacable de la lutte pour la vie qui règne dans le monde animal, livré à la fatalité imprévoyante. Les frottemens pénibles, les heurts douloureux, ne les empêchent pas d’apercevoir les côtés salutaires qui y figurent pour les trois quarts. Il ressort pour eux que la sélection opérée par la concurrence sert au progrès qui profite à tous, et si les coups sont plus durs parfois qu’on ne l’avoue peut-être, il reste vrai que le travail trouve plus d’une sorte de garanties dans la concurrence même que se font entre eux les possesseurs du capital, tantôt contraints de s’assurer les travailleurs, comme les exemples n’en manquent pas, tantôt obligés d’abaisser l’intérêt des avances faites à l’esprit d’entreprise. C’est une des vérités qui ont le plus gagné à passer par la plume de Bastiat. Tandis que ses adversaires, les constructeurs de société a priori, ne voyaient dans le jeu des forces libres qu’antinomies malfaisantes, il a relevé les harmonies qui résultent et de leurs concours quand elles s’associent, et de leur limitation naturelle quand elles se contrarient. De là ces thèses vraies