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fois les obstacles vaincus, c’est-à-dire les prohibitions et les entraves subsistantes étant supprimées, le bien n’aura presque plus qu’à régner. N’est-il pas trop vraisemblable, au contraire, que, même ces réformes accomplies, la part du mal resterait fort grande? Une école socialiste qui a eu son jour d’éclat aimait à répéter que « l’âge d’or, qu’une aveugle tradition plaçait en arrière, est en avant.» L’optimisme économique ne saurait, selon nous, aller jusqu’à ces formules d’utopistes. Si l’âge d’or, dans le passé, est une fable, il risque fort, dans l’avenir, d’être une chimère. Pour marquer la nuance, nous dirions volontiers que l’amélioration constante mise au prix d’efforts suivis et d’une prévoyance toujours méritoire peut suffire à la rigueur à l’ambition humaine, et encore il ne manquera pas de gens qui estimeront que c’est déjà là faire preuve d’une très grande confiance dans le principe de perfectibilité appliqué à l’avenir de la société.

C’est cette sage mesure d’optimisme qui nous paraît prévaloir dans le nouvel enseignement. Nous pouvons en juger par les solutions données à des questions d’une importance vraiment sociale. La pensée de l’école optimiste se manifeste surtout dans la manière dont elle envisage la liberté, la concurrence, où elle reconnaît, en même temps que l’exercice d’un droit, de ce même droit qu’a proclamé Turgot en termes inoubliables, le grand instrument des améliorations économiques et du progrès social. Là encore il y a les optimistes absolus et les optimistes relatifs, et, en face, ceux qui regardent la concurrence comme un mal ou comme accompagnée de tant de maux qu’ils n’en parlent guère que pour en médire. En cette question aussi, on est tenu, quand on est appelé à écrire ou à parler sur les matières économiques, à prendre parti avec une certaine netteté qui n’exclut pas les réserves et les cas d’exception. Les cours que nous avons sous les yeux n’ont pas séparé la liberté et la concurrence, comme essaient de le faire certains écrivains ou orateurs qu’on a pu voir récemment encore louer la première et censurer la seconde avec une sorte d’amertume. Nos savans professeurs montrent bien que la concurrence, face militante de la liberté, en est la conséquence inévitable, qu’elle n’est que la mise en présence des libertés sur un marché nécessairement limité et que la nature des choses les oblige à se disputer. Mais la part à faire à la liberté et à l’état est encore aujourd’hui la pierre d’achoppement entre les écoles. Je puis bien croire que la liberté et la concurrence ne sont point des panacées, comme le supposent trop peut-être les optimistes absolus, qui persistent à y voir a la lance d’Achille qui guérit les blessures qu’elle fait. » Une telle opinion diminue trop les attributions de l’état et la part de l’action publique. Mais, à moins qu’on n’abdique, — devant je ne sais quel idéal socialiste qui, si perfectionné