de délimitation qui devait toujours se réunir, quoiqu’elle ne se soit jamais réunie, les deux cabinets de Londres et de Saint-Pétersbourg ont adopté le mois dernier, le 17 mars, une sorte d’arrangement. Les Russes se sont engagés à rester provisoirement immobiles dans les positions nouvelles qu’ils avaient prises, à la condition toutefois que les Afghans, de leur côté, ne feraient aucun mouvement ou qu’il ne surviendrait aucune circonstance extraordinaire; mais, sur ces entrefaites, entre les Afghans établis à Penjdeh et les Russes campés sur la rivière de Kushk, le conflit qu’on redoutait, qu’on avait voulu éviter, a éclaté. Le général russe Komarof, se croyant défié ou menacé, a attaqué les Afghans, les a chassés de Penjdeh et les a mis en déroute en leur tuant cinq ou six cents hommes. Les événemens ont, encore une fois, marché plus vite que la diplomatie ! Voilà le point de départ de la question ou plutôt de cette phase nouvelle d’une question qui existe depuis longtemps, qui s’est nécessairement et subitement aggravée par le combat de Penjdeh, par l’émotion que ce fait de guerre a causée dans les deux pays, par l’attitude qu’ont prise aussitôt les deux gouvernemens de Londres et de Saint-Pétersbourg.
Que l’émotion ait été vive à Londres, on ne peut certes s’en étonner. Les Anglais suivent depuis longtemps avec une susceptibilité jalouse, avec une inquiétude croissante, tous les progrès des Russes dans ces régions de l’Asie qui avoisinent l’Afghanistan. Pour le moment, ils se croyaient garantis par les engagemens plus ou moins précis qu’ils avaient obtenus, le 17 mars, du cabinet de Saint-Pétersbourg. Ils ont été portés à voir, dans le combat de Penjdeh ou de Ak-Tepe, livré par le général Komarof, une violation des engagemens du 17 mars, la résolution préméditée de la Russie d’aller en avant, et le gouvernement de Londres, qui n’a été en cela que l’interprète fidèle du sentiment anglais, n’a point hésité à accentuer ses mesures de défense militaire, son attitude vis-à-vis du cabinet de Saint-Pétersbourg. Malheureusement, le ministère anglais, cédant à un premier mouvement d’émotion ou aiguillonné par l’opinion, a peut-être trop confondu deux choses, la question principale et un incident. La question principale, c’est toujours cette délimitation, sur laquelle les deux cabinets ne cessent de négocier pour arriver enfin à former une commission chargée de cette opération délicate; l’incident, c’est la rencontre, à main armée, du 30 mars, entre Russes et Afghans. Le cabinet anglais, vivement préoccupé, a fixé particulièrement son attention sur le combat de Penjdeh, et il a pris peut-être le moyen le plus dangereux en se hâtant, non-seulement de demander des explications à Pétersbourg, mais de réclamer une enquête contradictoire, même au besoin un arbitrage, sur la conduite des chefs militaires russes. Le général Komarof avait adressé à Saint-Pétersbourg un premier message