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étaient trois, si l’on s’en souvient: Oulid-ou-Rebah, cheikh des Oulad-Abd-el-Djebar, le négociant Joly et le Maure Boucetta. Au lieu de celui-ci, tué à la prise de Bougie, mettez le Maure Medeni, le trio ne vaudra pas mieux. Les deux derniers se faisaient fort de traiter avec le premier, qu’ils voulaient faire passer, comme un autre Abd-el-Kader, pour le grand chef de toute la Kabylie. Le comte d’Erlon s’était d’abord refusé à leurs avances ; le 4 février, il écrivait encore à Duvivier qu’en fait d’intermédiaire avec les Kabyles, il ne connaissait et ne voulait que le commandant supérieur. C’est ici qu’entre en scène un quatrième personnage.

Au temps du général Voirol et de M. Genty de Bussy, tout à la fin de 1833, un commissaire du roi avait été envoyé à Bougie pour administrer la population civile, indigène et européenne ; mais comme il n’y avait presque plus de Bougiotes et presque pas d’Européens encore, au mois de janvier 1834, le commissaire du roi fut rappelé; un mois après cependant, il obtint d’être renvoyé, par ordre ministériel, à son poste. « Les mesures qui se rattachent à la haute police, était-il dit dans ses instructions, sont exclusivement dans les attributions du général en chef; elles le sont relativement dans celles du commandant militaire à Bougie ; ainsi vous n’avez ni à participer au choix de fonctionnaires indigènes capables d’exercer une influence quelconque, ni à vous mêler de correspondance avec les tribus. » M. Lowasy de Loinville, le commissaire du roi, était un protégé de Madame Adélaïde, sœur de Louis-Philippe. Jeune, avantageux, plein de confiance, il avait une activité bruyante, comme celle des machines qui tournent à vide. Sa pétulance affairée, mais inoccupée, faisait avec la gravité laborieuse du lieutenant-colonel Duvivier le plus singulier contraste. Son attitude vis-à-vis du commandant supérieur, sa correspondance privée avec lui, affectaient une familiarité qui, sans mauvaise intention apparemment, était tout au moins peu convenable. En deux mots, il manquait absolument de tact et de mesure. Au mois de décembre 1834, il eut un grand mécompte. Par suite de la nouvelle organisation donnée au gouvernement de l’Algérie, il avait cru trouver l’occasion d’émanciper ses attributions et de dégager son importance ; mais, sur les observations du commandant supérieur, et comme la population civile de Bougie, sans être aussi réduite qu’au mois de janvier précédent, n’était pas considérable encore, il retomba dans son inutilité.

A tout prix il en voulait sortir. Sa maison devint le centre d’une petite opposition contre l’autorité militaire; le Maure Medeni s’insinua dans sa confiance et lui persuada facilement qu’il ne tenait qu’à lui de pacifier les Kabyles. Aussitôt il écrivit à l’intendant civil, M. Lepasquier, ce que Medeni venait de lui dire. L’intendant civil en ayant