Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/318

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une partie du bataillon d’Afrique, fit donner à l’artillerie l’ordre d’activer son feu, et lança les zéphyrs au pas de charge. Le 66e et le bataillon italien ralliés suivirent le mouvement et culbutèrent tout ce qu’ils avaient devant eux. En arrière, les Arabes, âpres au butin, s’acharnaient sur les voitures du convoi, qu’ils saisissaient par les roues ; ce qui restait de ce côté-là du bataillon d’Afrique les contraignit à lâcher prise. Mais deux fourgons avaient été brisés, il fallut y mettre le feu. D’autres furent déchargés pour aider aux transports de l’ambulance. Il y avait eu 52 morts et 180 blessés. Abd-el-Kader, pour sa part, avait perdu beaucoup de monde, surtout dans le dernier retour offensif ; deux chefs de ses réguliers s’étaient fait tuer sur le terrain qu’ils avaient gagné d’abord ; les restes du bataillon mutilé se repliaient dans la montagne. À midi, la colonne française descendit dans la plaine ; à quatre heures elle prit son bivouac sur la rive gauche du Sig, près du marabout de Sidi-Daoud, à la place même où les Arabes avaient campé la veille. Abd-el-Kader s’était retiré plus haut, à l’entrée de la gorge d’où sort la rivière.

La nuit fut calme. Dans la journée du 27, Ben-Ikkou, l’oukil d’Abd-el-Kader, qui avait quitté Oran et qui suivait l’état-major depuis l’avant-veille, fut échangé contre le commandant Abdalla d’Asbonne, venu de Mascara. Le général Trézel chargea Ben-Ikkou de remettre à l’émir une note qui stipulait ses conditions pour le rétablissement de la paix : Abd-el-Kader aurait à reconnaître la souveraineté de la France et à recevoir les ordres du roi par l’entremise du gouverneur général ; il aurait à payer annuellement en tribut la moitié des contributions levées par lui dans toute l’étendue de son territoire compris entre la frontière du Maroc, le Chélif et l’Oued-Fodda, à l’exception des villes de Mostaganem, de Mazagran, d’Arzeu, des Douair, des Sméla, des Gharaba, des coulouglis de Tlemcen, qui, sous l’autorité du commandant d’Oran, seraient régis par un chef de leur religion. L’émir ne pourrait pas faire la guerre sans la permission du roi. Le commerce serait libre, mais es denrées d’exportation devraient être dirigées exclusivement sur les ports désignés par le gouverneur général. L’émir seul pourrait, en s’adressant aux autorités françaises, faire des achats d’armes et de munitions de guerre. Ces conditions étaient celles d’un vainqueur. Le combat de Mouley-Ismaël avait été trop douteux d’abord et son résultat n’avait pas été assez décisif pour qu’Abd-el-Kader s’avouât vaincu.

Après avoir attendu jusqu’au soir sa réponse qui ne vint pas, le général Trézel résolut de conduire au port d’Arzeu ses blessés, d’y renouveler ses vivres et ses munitions, de se remettre ensuite en campagne. La nuit tout entière se passa dans les apprêts du départ.