ainsi, à l’état de vibrations silencieuses, pendant un temps plus ou moins long, pour reparaître à l’appel d’une substance révélatrice. On sait que des gravures exposées aux rayons solaires et conservées dans l’obscurité peuvent, plusieurs mois après, à l’aide de réactifs spéciaux, révéler la persistance de la vibration lumineuse sur leur surface[1]. — Mais comment, objectent les adversaires des vibrations persistantes, tant de mouvemens et d’ondulations en sens divers pourraient-ils trouver place et se propager dans le cerveau pendant toute la vie ? Notre cerveau n’est-il pas trop petit ? — Parler ainsi, répondrons-nous, c’est oublier que les dimensions des choses sont toutes relatives, et que, par rapport à des vibrations infiniment petites, notre cerveau devient un monde infiniment grand. Raccourcissez par la pensée les dimensions du ciel visible en gardant toutes les distances respectives des astres, vous pourrez, dans votre tête, faire tenir le firmament. On peut donc très bien admettre, parmi les conditions matérielles du souvenir, des vibrations qui se perpétuent. Nous savons qu’une étoile éteinte depuis longtemps pourrait nous envoyer encore ses rayons avec leur forme propre et leur spectre spécial ; le foyer n’est plus, la vibration éthérée existe encore ; des profondeurs de l’infini elle vient nous révéler sa cause aujourd’hui disparue. Qu’y a-t-il d’étonnant à ce que les ondulations du cerveau se propagent pendant la vie entière et à ce qu’une sensation puisse reparaître en l’absence de sa cause, comme le rayon de l’étoile semble se rallumer dans la nuit ?
Tous les phénomènes cérébraux nous semblent explicables par ce que M. Dubois-Reymond appelle « l’astronomie moléculaire du cerveau. » Sans doute, outre la simple propagation continue du mouvement, il faut considérer encore les modifications de structure que subit le cerveau, c’est-à-dire les traces laissées par le mouvement même dans cet organe. C’est Là ce que les psychologues contemporains appellent les résidus. Mais la trace d’un mouvement n’est-elle pas elle-même une combinaison de mouvemens invisibles qui persiste et dont l’immobilité apparente est faite de mobilité, comme notre constance, selon La Rochefoucauld, est faite d’inconstance ?
Sous ce rapport, à combien d’objets divers n’a-t-on pas comparé le cerveau ! D’après M. Spencer, il a quelque analogie avec ces pianos mécaniques qui peuvent reproduire un nombre d’airs indéfinis. M. Taine en fait une sorte d’imprimerie fabriquant sans cesse et mettant en réserve des clichés innombrables. Le dessin et la photographie peuvent fournir aussi des termes de comparaison instructifs. Les résidus des images successives se superposent ou se combinent
- ↑ Le Cerveau et ses Fonctions, p. 106.