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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/391

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regrettons que M. Ferri, dans son étude sur la psychologie de l’association, n’ait rien dit de cette loi essentielle, qui nous montre dans l’émotion le principe le plus efficace de l’association comme de la conservation des souvenirs. M. Ferri cite pourtant lui-même un exemple qui aurait pu le mettre sur la voie. Un jour, piqué par une mouche, il se rappela tout à coup un enfant que jadis, étant lui-même fort jeune, il avait vu couché sur son lit de mort. Pourquoi cette vision subite ? « D’abord, dit-il, j’étais couché sur mon lit au moment même de ce souvenir ; première concordance ; puis j’avais vu le visage de l’enfant piqué par les mouches ; mais, que de fois j’ai éprouvé le même inconvénient sans avoir le même souvenir ! Enfin je remarque que la vue du cadavre m’avait causé alors une profonde tristesse et que tout à l’heure aussi j’étais triste. » C’est donc la similarité d’émotion, c’est l’état de la sensibilité qui a été la puissance dominatrice et déterminante ; ici encore les idées empruntent leur principale force aux sentimens qui les animent, et la conscience, au lieu de refléter passivement les impressions, réagit pour les accepter ou les repousser.

Ce pouvoir de réaction mentale, quand il est réfléchi, constitue la volonté, dont l’action sélective sur les idées se nomme l’attention. Demandons-nous d’abord en quoi consiste l’attention volontaire et consciente. Au point de vue physiologique, elle est une concentration d’efforts musculaires dans une direction déterminée. Si je veux faire attention à un objet que je regarde, écoute, palpe, flaire ou savoure, je produis des efforts musculaires dans la direction de mes divers sens : je tends les muscles de ma main pour mieux palper, ceux de mes yeux pour les accommoder à l’objet et à la lumière, etc. Ces mouvemens sont visibles. Même quand je fais attention à la simple représentation d’un objet absent, je commence les mêmes mouvemens. L’idée la plus pure, encore une fois, contient toujours quelque représentation sensible, est toujours accompagnée de quelque mouvement et de quelque effort : dans la méditation, cet effort se manifeste sur le visage même par la tension et l’immobilité des traits. L’attention est donc un phénomène « d’innervation motrice. » C’est pour cela qu’elle produit, comme l’expérience le prouve, un afflux sanguin correspondant à l’afflux nerveux et à la dépense des nerfs, que le sang doit réparer. De là combustion et chaleur à la tête, phénomènes d’électricité, etc.

On peut en déduire le véritable pouvoir de l’attention consciente sur la sélection des idées. La première loi, c’est que l’attention diminue la force des représentations dont elle se détourne. C’est ainsi, on le sait, que Pascal diminuait l’intensité de violentes douleurs en concentrant son attention sur un problème de géométrie.