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REVUE MUSICALE



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Théâtre de la Monnaie de Bruxelles : les Maîtres-Chanteurs, comédie musicale en 3 actes et 4 tableaux, poème et musique de Richard Wagner, version française de M. Victor Wilder.


On se demande depuis deux mois entre musiciens : — Avez-vous été à Bruxelles ? comme entre mahométans : — As-tu été à La Mecque ? Il n’y aura pas cette année, paraît-il, de grand jubilé à Bayreuth ; il faut se contenter des petits pèlerinages d’occasion. Le voyage de Bruxelles est agréable ; la ville est hospitalière et le théâtre bon. Les Belges sont fiers de leur Opéra et peuvent l’être. N’est-ce pas d’eux, en ce moment, que nous vient ou nous revient notre musique ? Ils ont entendu avant nous Hérodiade et Sigurd. Comme nous n’entendrons probablement pas après eux les Maîtres-Chanleurs, nous avons voulu les écouter chez eux. Nous l’avons fait avec curiosité, avec bonne volonté. Nous assistions pour la première fois à la représentation d’une œuvre complète de Wagner.

Les Maîtres-Chanteurs ne sont pas un opéra, mais un opéra-comique, ou plutôt une « comédie musicale, » d’après leur titre officiel. Comme Corneille, comme Shakspeare, Wagner a voulu, dit-on, se détendre et s’égayer au moins une fois. Là, comme partout ailleurs, il a été son propre librettiste. L’indissoluble liaison de la parole et de la musique est un des grands points, peut-être la loi capitale du système wagnérien. Nulle collaboration ne pouvait l’assurer ; il fallait l’identité du poète et du musicien. Wagner l’a réalisée. Pour ne pas séparer ce que le dieu a uni, la critique, dans l’examen de l’œuvre entière, doit faire la part égale à la musique et à la poésie.