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dit aux bois. Il ne vaut peut-être pas un autre chant analogue, celui de la Walkure, mais il a de l’expression et de la chaleur ; il respire la jeunesse et les ardeurs printanières. Tout le reste est un abominable chaos.

Au second acte, nous sommes dans une rue de Nuremberg, entre la maison de Pogner et l’échoppe de Sachs. Il y a là encore une heure de musique pénible. Trois interminables dialogues : le premier entre Pogner et sa fille, le second entre Sachs et Éva, le troisième entre Éva et Walther ; nous ne saurions les distinguer. Éva craint que son cher Walther n’échoue au concours définitif comme à l’épreuve préparatoire. Le bon savetier la rassure ; mais elle croit plus prudent de se faire enlever. Heureusement, Sachs l’arrête, et les deux amoureux s’assoient sagement sous un tilleul. Bientôt, on sonne le couvre-feu, complainte lamentable dont la dernière note voudrait être comique et n’est que fausse. Ce couvre-feu, comme celui des Huguenots, auquel il ressemble seulement sous ce rapport, est le signal d’un tapage nocturne. Beckmesser arrive pour chanter sous les fenêtres d’Éva. Ici, nous désarmons, et de grand cœur : cette sérénade est charmante, et le finale qui la suit traité de main de maître. David, l’apprenti, croyant que le greffier en veut à la nourrice, accourt avec un bâton et rosse le vieux. Les cris de Beckmesser attirent toute la rue aux fenêtres. Étudians, bourgeois descendent sur la place et la mêlée devient générale. Le malheureux passe et repasse toujours fustigé, toujours hurlant. La sérénade aussi passe et repasse à travers l’orchestre, toujours vive et toujours moqueuse. Voilà un finale excellent, plein d’entrain et de variété, sans longueur ni lourdeur, voilà du théâtre et de la musique. Comme disait Ingres de Delacroix : « Quand on peut faire si bien, pourquoi faire si mal ? » Pourquoi ? Mais hélas, par principe, par système ; on le dirait du moins. Le beau, dans les Maîtres-Chanteurs, est l’exception ; il confirme la règle, qui est le laid.

Au début du troisième acte, on retrouve le laid, et presque le ridicule. Le jour de la Saint-Crépin, — pardon, de la Saint-Jean, — l’apprenti vient souhaiter la fête à son patron avec un bouquet et un saucisson. Cependant, à des dialogues monotones succède une superbe romance du ténor : L’aube pleurait ses perles dans les roses, un second rayon de printemps dans cette froide partition. La phrase est vibrante, elle a de l’essor, et tout à l’heure le jeune homme devra sa victoire définitive à ce chant vraiment inspiré, Malheureusement, après cet éclat de passion, quelles puérilités encore ! La candeur allemande est parfois trop naïve et trop bourgeoise. Éva, toujours amoureuse, toujours inquiète, ne se plaît qu’auprès de Sachs, son confident. Elle vient le trouver dans sa boutique, avant d’assister au concours, et comme il l’accueille avec un compliment sur sa parure :