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Page:Revue des Deux Mondes - 1885 - tome 69.djvu/576

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suffit que son être soit tellement inépuisable qu’il soit aussi riche après avoir créé qu’auparavant.

Ainsi, pour le premier attribut, celui de la cause créatrice, nul doute que M. Vacherot ne se rapproche de la conception spiritualiste et théiste : il en est de même et bien plus encore de la cause finale. Dieu n’est pas seulement cause première ; il est fin dernière : il est alpha et oméga. Tout vient de lui, mais tout retourne à lui. Cela suffit pour donner une raison d’être à l’univers, une signification à l’existence et à la vie. C’est ici la plus notable addition que M. Vacherot fasse aujourd’hui à ses doctrines antérieures ; et nous avons la petite vanité de croire que nous n’avons pas été sans y contribuer. Sans doute il n’avait jamais nié les causes finales et révolution de la nature vers un but ; mais il n’avait donné aucun développement à cette idée, et paraissait même l’avoir par trop négligée. Ici, l’affirmation explicite, absolue, de l’idée de finalité, la doctrine d’une évolution finaliste achève et complète, de la manière la plus noble et la plus brillante, une philosophie qui sans cela risquerait trop de se confondre avec le pur naturalisme : « Le monde, dit l’auteur, est une immense variété de causes et de forces qui, sorties du sein de Dieu, tendent à y rentrer par la loi suprême de la finalité… Le principe de la finalité est une de ces idées que Pascal logeait derrière la tête du savant, et dont Leibniz faisait la lumière de toute science… Est-ce au moment où le ciel de nos astronomes nous fait contempler la majestueuse harmonie de ses mondes en mouvement, où la terre de nos géologues nous découvre les étonnantes métamorphoses à travers lesquelles elle a passé… où l’humanité de nos historiens nous laisse voir la série des changemens qui l’ont élevée d’une barbarie voisine de la bestialité à la plus haute civilisation,.. où toute science nous montre la loi d’une évolution progressive,.. est-ce à ce moment que la philosophie, dite positive, pourrait réussir à éteindre le flambeau qui illumine l’immense scène de la nature ? Je ne puis le croire. » C’est donc, on le voit, dans la finalité (immanente ou transcendante, peu importe), que l’auteur trouve la dernière explication des choses. C’est par là que la philosophie se distingue de la science, sans qu’on ait pour cela le droit de la faire passer pour un rêve : « La métaphysique, dit-il, n’est ni science, ni rêve ; elle est la pensée supérieure qui éclaire la science et qui dissipe tout rêve. »

Sans doute M. Vacherot accepte l’hypothèse de l’évolution ; mais il dit que cette hypothèse est susceptible de deux sens : l’évolution fatale et l’évolution finale. Au fond et dans son essence, la doctrine de l’évolution est indifférente entre ces deux hypothèses. Un soi, elle ne signifie rien autre chose que la négation des créations spéciales. Elle signifie que l’acte créateur a été un acte unique et