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dans le pays, vraisemblablement à Krescvo. Les bogomiles.se virent refuser au contraire l’autorisation d’édifier de nouvelles églises ou de rétablir celles qui étaient ruinées. De nombreuses mesures tyranniques furent prises contre eux. En peu de temps, la prépondérance de l’église catholique devint si grande que l’émigration des bogomiles s’accrut de plus en plus et que les franciscains eux-mêmes durent prévenir le roi de se modérer pour éviter le dépeuplement du pays dont l’existence n’était assurée que par les victoires de Jean Hunyady et des armées hongroises. La chute de Constantinople avait amené un rapprochement entre les confessions des Balkans. L’église byzantine étant tombée entre les mains des sultans, tout ce monde sentait le besoin de s’allier contre les Turcs. Mais la mort île Jean Hunyady fut le signal de la perte des contrées situées au sud de la Save et du Danube inférieur. En 1461, Stephan Thomas fut tué ; en 1463, Stephan Tomasevic, dernier roi de Bosnie, fut pris par les Turcs et mis à mort. C’en était fait de la Bosnie chrétienne : avec le gouvernement de Mahomet II commence une ère nouvelle, bien que les parties nord et ouest de la province soient restées au pouvoir de la Hongrie jusqu’à la chute de Sajeza en 1527.

C’est dans le champ de la religion que la conquête turque produisit ses premières conséquences. Nulle part le mahométisme ne se répandit aussi vite et ne pénétra plus profondément qu’en Bosnie. Il fut immédiatement accueilli par les bogomiles, qui, fatigués des persécutions sous lesquelles ils avaient longtemps gémi, avaient appelé et secondé les Turcs de leur mieux. En adoptant la nouvelle religion, ils assuraient leurs intérêts matériels et acquéraient les biens dont ils avaient été privés jusque-là. La doctrine si simple de Mahomet s’accommodait d’ailleurs aisément de leurs propres conceptions religieuses. Les inscriptions des tombeaux de cette époque prouvent que la plupart de ceux qui embrassèrent l’islamisme étaient bogomiles ; un petit nombre étaient grecs orientaux ; quelques-uns à peine catholiques. Le gouvernement du roi hongrois, Mathias Corvin (1458-1490) retarda longtemps l’expansion de l’islamisme, mais rien ne put en arrêter définitivement l’essor. Dans sa première rage, Mahomet II se jetait sur les chrétiens le fer et le feu à la main, renversait les églises, les privait de leurs trésors, détruisait presque tous les couvens. Le rôle des franciscains était devenu purement défensif ; ils protégeaient de leur mieux les intérêts chrétiens et sauvaient ce qu’ils pouvaient des trésors des églises, par exemple les reliques de saint Luc, qui furent transportées plus tard à Venise, dans l’église de Saint-Bernard. Le siège de l’évêché fut transféré de nouveau et pour toujours à Diakovar. Cependant, dès le commencement de la conquête turque, en 1464, le père provincial des