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relations de cette église avec le patriarcat de Constantinople. Nous avons raconté plus haut que les orthodoxes de Bosnie et d’Herzégovine étaient restés jusqu’au XVIIIe siècle sous la direction de l’ancien patriarcat d’Ipek, presque indépendant de celui de Constantinople, que ce patriarcat avait été transporté alors à Carlovitz, en Hongrie, et remplacé par un métropolitain immédiatement dépendant de Constantinople, et nous avons ajouté que, depuis lors, l’église de Bosnie pouvait être regardée de jure comme placée sous l’autorité du patriarcat de Carlovitz. Mais soulever une pareille question eût été sans doute, de la part du gouvernement austro-hongrois, une entreprise malencontreuse. Peut-être aussi le désir de conserver de bons rapports avec Constantinople, en vue de faciliter sa politique ultérieure en Orient, contribua-t-il à le décider à n’en rien faire. Ce qu’il y a de sûr, c’est que, sans s’arrêter aux principes, toujours discutables, l’Autriche-Hongrie préféra s’adresser directement au patriarcat de Constantinople pour réorganiser l’église orthodoxe orientale de manière à respecter à la fois ses dogmes et à assurer les droits de l’état. Au commencement de l’année 1880, des négociations furent entreprises à cet effet. L’église orthodoxe n’a jamais eu la stricte autonomie de l’église catholique. En Orient, l’église et l’état ont toujours vécu dans une liaison et une subordination inconnues à l’Occident. Sous les empereurs byzantins, dont le pouvoir était absolu, l’église orthodoxe prit une telle habitude de la soumission que ces souverains, bien que n’étant pas ses chefs, avaient une action directe sur les affaires ecclésiastiques et exerçaient même une influence considérable sur les questions de dogme et de discipline. Plus tard et partout, elle s’accommoda sans trop de peine de l’autorité civile, quelle qu’elle fût. Ainsi se formèrent, dans tous les états où le rite orthodoxe existait, des églises autonomes ayant une organisation propre, bien que l’unité générale continuât à subsister quant aux dogmes. La domination de l’Autriche-Hongrie ne pouvait donc pas rencontrer d’opposition de principe ; mais, de plus, le patriarche de Constantinople avait tout intérêt à s’assurer l’assistance bienveillante des nouveaux maîtres de l’Herzégovine et de la Bosnie, sans lesquels il ne pouvait pas révoquer les évêques qui lui déplaisaient, ni obtenir le maintien du tribut que le haut clergé avait coutume de lui payer. Aussi accepta-t-il avec empressement les ouvertures du gouvernement austro-hongrois, et, après une discussion qui dura peu de mois et qui roula presque exclusivement sur des détails, une convention fut conclue sous forme de double déclaration. En vertu de cette convention, acceptée au mois de mars 1880, à Constantinople, par le patriarche œcuménique, avec le consentement du saint-synode, deux questions ont