On sait comment, après deux pénibles campagnes, la Russie écrasa les Turcomans-Tekkés à Géok-Tépé. La soumission de tous les Turcomans établis au nord de la chaîne du Kuren-Dag fut la conséquence de cette victoire. Le chemin de fer construit, en vue de cette campagne, de Krasnovodsk à Kizil-Arvat, fut continué jusqu’au centre de la région des Tekkés, à Askabad, qui fut érigé en chef-lieu de gouvernement, et où un corps de 15,000 hommes prit résidence. Une députation des chefs des Tekkés, conduite par le colonel Alikhanof, se rendit à Moscou pour assister au couronnement du tsar Alexandre III, et on ne remarqua point suffisamment qu’à cette députation s’étaient joints quelques délégués des quatre aouls de la tribu qui occupe l’oasis de Merv. Ces délégués furent gracieusement reçus par le tsar, qui les engagea à vivre en bonne intelligence avec Khiva, les combla de présens et les renvoya très satisfaits. Aussi, le 15 février 1884, l’ambassadeur d’Angleterre à Saint-Pétersbourg, sir E. Thornton, annonçait-il à lord Granville que « Sa Majesté impériale s’était déterminée à accepter le serment d’allégeance que les députés des Turcomans de Merv avaient prêté à Askabad, et qu’un officier allait être envoyé pour prendre l’administration de cette contrée. » Ainsi, Merv devenait une possession russe, et, avec cette oasis, tout le cours inférieur du Mourghab.
Cette nouvelle causa une très vive émotion en Angleterre, parce qu’elle parut devoir entraîner nécessairement de graves complications avec la Russie. Tout le monde avait le souvenir des déclarations faites par lord Hartington au nom du cabinet, en 1881, dans la discussion relative à l’évacuation de Candahar. Le cabinet tory, après avoir placé Abdurrhaman sur le trône de Caboul, avait décidé qu’un corps de troupes serait stationné à Quettah pour observer la passe de Rolan, par laquelle une armée, venant d’Hérat, pourrait tourner les places fortes du Pendjab ; que Quettah serait relié, par un chemin de fer, au cours inférieur de l’Indus ; enfin, que Candahar continuerait d’être occupé par l’Angleterre, afin de fermer le passage à une armée qui, d’IIérat, essaierait de se porter sur la passe de Gomal, ou sur Caboul et la passe de Khyber, qui mène à Peshawer et au Haut-Indus. Le premier acte du cabinet Gladstone avait été de faire cesser les travaux du chemin de fer de Quettah et de céder Candahar à l’émir de Caboul. Cette dernière mesure avait été l’objet d’une motion de censure votée à une grande majorité par la chambre des lords à la suite d’une mémorable discussion. Contraint, pour neutraliser ce vote, d’obtenir de la chambre des communes un vote approbatif, le cabinet fit déclarer par lord Hartington, ministre de la guerre, que l’évacuation de Candahar n’affaiblissait en rien la situation de l’Angleterre. « La